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Bénin-Mafia mortuaire (4/6) : Médard Koudebi menacé de mort

Bénin-Mafia mortuaire (4/6) : Médard Koudebi menacé de mort

A l’origine d’un combat sans merci contre la mafia  des morgues au Bénin, Médard Koudebi, le spécialiste de l’hygiène funéraire et président de l’Ong « Bénin diaspora assistance » fait l’objet de menaces de mort. C’est ce qu’il confie dans cette partie de notre entretien sans langue de bois sur un mal qui pourrit l’existence des Béninois depuis plusieurs années.

A l’origine d’un combat sans merci contre la mafia  des morgues au Bénin, Médard Koudebi, le spécialiste de l’hygiène funéraire et président de l’Ong « Bénin diaspora assistance » fait l’objet de menaces de mort. C’est ce qu’il confie dans cette partie de notre entretien sans langue de bois sur un mal qui pourrit l’existence des Béninois depuis plusieurs années.

Médard Koudebi, spécialiste béninois d'hygiène funéraire

M. Koudebi, c’est donc une mafia dans laquelle se trouvent de gros bonnets au Bénin ?

Je disais dernièrement que le cœur  de  cette mafia se trouve au parlement béninois parce que beaucoup de députés béninois se sont faits élire en faisant voter des morts par procuration. D’autres députés que je mets toujours au défi et que j’appelle toujours au téléphone, ont reconnu et m’ont dit, ‘’excusez-nous, M. Koudebi,  on ne savait pas que la situation était si dangereuse quand on protégeait tel promoteur de morgues’’.  Au même moment, il y a un contrôleur général de police qui se cache derrière son épouse pour être promoteur d’une morgue à Abomey. Ce qui fait quaujourd’hui, j’affronte même les contrôleurs, un Général de police dans l’illégalité. J’affronte deux anciens ministres de la république dont un ministre de l’intérieur qui a 3 morgues et tout est dans l’illégalité totale. J’affronte un ancien ministre d’Etat qui a occupé de grands postes, se cache derrière son neveux pour gérer une morgue et est prêt à tout pour m’éliminer physiquement. Je reçois des menaces directes, parfois téléphoniques avec des numéros inconnus. Il y a même, un promoteur de morgue qui a envoyé me dire que si j’échappais aux gris-gris, je n’échapperai pas à des guets-apens.

Comment est-ce que vous, vous protégez contre les menaces ?

Des autorités politiques m’ont demandé de leurs dire mon secret. J’ai répondu, ‘’mon secret c’est Dieu’’. Les incrédules me demandent si je suis dans une loge maçonnique. Je ne suis pas franc-maçon. Je suis catholique, j’ai été baptisé à Notre Dame, je vais à l’église. Ils me disent ‘’sûrement, tu as la croix devant et la cane des ancêtres derrière (syncrétisme Ndlr)’’. Non, pour éviter les empoisonnements, je ne vais jamais à une manifestation ou à une invitation au Bénin. Jamais ! A un décès, on me voit à la morgue, à l’église et à la sortie du cimetière, je dis au revoir. Pas chez quelqu’un pour manger, parce que je sais que je dois prendre mes précautions pour éviter des empoisonnements. Je me méfie, raison pour laquelle, même avec l’administration béninoise, quand  on dit pause-café, je ne vais pas boire ni manger.

En ce qui concerne le business des agents de la morgue, vous avez déjà parlé de la commercialisation des jus de morts. Mais, il n’y a-t-il  pas aussi, les prélèvements d’organes ?

Oui, c’est des choses qui arrivent régulièrement. Il y a à cet effet des dossiers en instruction. Sans vous donner de noms, je vous dis que dans plusieurs morgues, beaucoup d’agents sont allés en prison. A Calavi, un agent vient de sortir de la prison après 13 mois, accusé d’avoir volé les cheveux de la nuque du juge Coovi au profit de celui qui est accusé de son assassinat dans le but de le neutraliser. Actuellement, dans la zone de Savè, des employés se sont retrouvés en prison pour avoir volé les pénis, les testicules et la langue d’un mort. Nous appelons ça, des atteintes à l’intégrité physique du cadavre. Je peux aussi donner l’exemple de l’état des 350 corps que nous avons eus à enterrer dans une fosse  dans la nuit du 9 au 10 avril 2014 au cimetière de Somè.  La majorité n’était que des pièces détachées.  Beaucoup d’organes ont disparu, surtout  qu’ils étaient dans un état de putréfaction, tellement très avancée où quand on attrape la tête, ça s’arrache, on attrape les pieds, ils s’arrachent. Du coup, on n’a même pas pu contrôler la quantité d’organes trafiqués, disparus.

Quand vous parlez de  centaines de corps enterrés dans des fosses communes, on emmagasine autant de corps dans les morgues béninoises ?

Actuellement, il n’y a aucun système de collecte des corps abandonnés dans les morgues privées. Ce qui fait qu’aujourd’hui, les 43 morgues privées qui existent, ont tous des cargaisons de corps abandonnés et ne savent pas où les déversés.  Il y en a même qui a 118 corps abandonnés dont le plus vieux a plus de 15 ans, mais en tant qu’une morgue privée, il a ça sous les bras. La morgue Adonaï à Porto-Novo a 12 corps abandonnés depuis des années dont le plus vieux est dans sa septième année. Les frais de conservation de l’ensemble de ces corps s’élèvent aujourd’hui à 37 millions.

Pourquoi abandonne-t-on, les corps dans les morgues ?

 

Dans les morgues publiques, l’Etat saisit systématiquement les corps pour obliger les parents à payer les frais de soins et de chambre impayés. A cela s’ajoute, les frais de conservation. Les gens disent, « j’ai déjà perdu mon parent, quel intérêt à payer une somme pharaonique pour récupérer un cadavre ? ». Ils donnent souvent, 10 à 20.000 F aux agents des morgues qui leurs volent les ongles et les cheveux. C’est avec ça qu’ils vont faire les cérémonies au village et abandonnent le corps à l’Etat. Voilà pourquoi tous les deux ans, on se retrouve avec une cargaison de près de 500 corps abandonnés, rien qu’à la morgue du CNHU qu’on est obligé d’enterrer dans les fosses communes.

 

Face à ce phénomène d’abandon  des corps, que préconisez-vous ?

Pour ça, dans mon dernier rapport, j’ai proposé de faire systématiquement, une réduction de 50%  des frais de soins et de chambre aux parents afin de leurs permettre de récupérer les corps et de les enterrer dans la dignité.  Cela permettra de régler les problèmes de surcharges, d’infections parce ces corps mis ensemble s’infectent entre eux. A tout nouveau corps, les anciens cèdent des infections qu’il n’avait pas et vis-versa.  C’est ce qui est à la base des 120.000 infections par an.

 

A Lire aussi :

Bénin-Mafia mortuaire(3/6): des politiciens propriétaires de morgues

Bénin-Mafia mortuaire (2/6): commerce du jus des morts dans les morgues

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