Financements américains au Bénin : quand les alumni impactent la communauté malgré les challenges
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Depuis sa création en 1961, l’ambassade des Etats-Unis a accompagné plusieurs jeunes béninois dans l’atteinte de leurs objectifs, tant sur le plan entrepreneurial, associatif que du leadership et de la citoyenneté. Cet accompagnement se manifeste par des financements des projets et des formations diverses à l’endroit des bénéficiaires. Incursion dans l’univers des bénéficiaires de certains financements.
Après un tour sur ces autres champs de bataille le mardi 28 juin 2022, Claude Agossa donne à ses poulets leur 2e repas de la journée dans l'annexe de son entreprise sise à Bonou dans la Vallée de l'Ouémé
L’ambassade des Etats-Unis au Bénin peut se réjouir d’avoir contribué à faire plusieurs jeunes entrepreneurs, militants des droits de l’homme, leaders béninois, etc. Claude Agossa est l’un d’eux. Jeune entrepreneur, originaire de la commune d’Adjohoun dans le département de l’Ouémé, son entreprise est spécialisée dans l’aviculture et le maraîchage. En 2019, il a bénéficié d’une formation en leadership et en gestion du plan de vie et de carrière grâce au projet “Les Ambassadeurs de la Vallée de l’Ouémé”. Ce projet financé par la représentation diplomatique américaine dans le cadre du programme “1000ToImpact” (1000 dollars pour impacter, Ndlr) a été piloté par US-BWAA, le réseau des femmes bénéficiaires des programmes d’échange américains au Bénin. Il avait pour objectif de former 50 jeunes de la vallée de l’Ouémé au leadership, la gestion de plan de vie et l’entreprenariat. Maire des jeunes de la commune d'Adjohoun depuis 2020 et membre de la coopérative “Agri-Lumière” de Bonou, spécialisée dans le maraîchage, Claude est fier d’avoir pris part au projet “Les Ambassadeurs de la Vallée de l’Ouémé”. Travailler en groupe, souligne-t-il, n’est pas facile. « Mais grâce aux notions de leadership que j’ai appris au cours de la formation, j’arrive à trouver le juste milieu pour que nous puissions atteindre nos objectifs », partage-t-il heureux. Or, reconnaît-t-il, en postulant pour ce projet, il ne pensait pas en sortir autant grandi. « Désormais, j’ai une vision claire et des objectifs précis pour mon entreprise », s'enorgueillit-il. En 2019, lorsque Claude participait au projet, il avait déjà entamé un projet d’élevage. Avant la formation sur la gestion du plan de vie et de carrière, il possédait 20 têtes de poulet Goliath qu'il conduisait « difficilement ».
Organisation et croissance
Grâce au projet, Claude Agossa s’est mieux organisé, s’est fixé des objectifs et travaille pour les atteindre. Il dispose d’une ferme et des annexes pour l’élevage dans la commune de Bonou et d’un point de vente. « Aujourd’hui j’ai plus de 300 têtes de poulet et plusieurs dizaines de poussins en croissance, etc. J’ai des couveuses et je fais la livraison des poussins, des dindonneaux, coquelets, pintadeaux, etc. ». Si jusqu’en 2019, Claude Agossa n’avait aucune idée de ce qu’il voulait « concrètement » pour son entreprise, depuis la formation sur la gestion du plan de vie/carrière, il a des objectifs clairs. « Je sais ce que j’attends déjà pour 2023-2024. Depuis qu’on a fini la formation, j’ai essayé d’élaborer un plan que je suis chaque jour. J’ai des visions. (…) Je me suis dit que chaque année, je vais augmenter d’une vingtaine à une cinquantaine de têtes », explique-t-il.
Claude est fier d’avoir bénéficié de ce programme. « Il y a des difficultés, voire des échecs. Mais nous les prenons comme des défis à relever », partage le jeune agri-preneur. En plus d’avoir réussi à augmenter son chiffre d’affaires, atteint peu à peu ses objectifs et stabilisé son activité, Claude s’investit désormais dans la santé animale. Titulaire d’une Licence en Agronomie, spécialité production et santé animale, il avait dû très tôt tourner dos à sa formation de base face aux réalités de l’emploi au Bénin. « Je n’envisageais pas servir la population en santé animale mais grâce à mon entreprise, les amis viennent me poser des problèmes et j’ai décidé d’exercer mon métier de base », confie-t-il tout heureux. Le jeune entrepreneur est sollicité « un peu partout » pour des prestations vétérinaires.
Sur le terrain de la citoyenneté et du leadership civique
Claude Agossa (à gauche), maire des jeunes d’Adjohoun et François Zannougbo, maire d’Adjohoun, le 1er août 2022, lors de la célébration du 61e anniversaire de l’accession du Bénin à l’indépendance
Tout comme Claude, Rolande Kakpotindji est un autre success story du projet “Les Ambassadeurs de la Vallée de l’Ouémé”. C’est avec beaucoup de fierté sur le visage qu’elle partage son parcours depuis sa participation au projet. Membre de la Jeune chambre internationale (JCI) Porto-Novo Impact depuis 2019, elle a remporté, en 2021 le trophée de « membre la plus remarquable » des quarante-sept (47) organisations locales de la JCI-Bénin. Ce qui lui a valu son poste dans le cabinet de l’actuelle présidente nationale en tant qu’Assistante spéciale chargée de la promotion de l’enfance.
Lors de cette formation financée par l’Ambassade des Etats-Unis, Rolande Kpakpotindji a beaucoup appris sur le militantisme féminin ; le leadership et l’autonomisation des femmes, la prise de parole en public et la prise de décision. Grâce aux acquis de ce programme, la jeune ressortissante de la commune de Bonou dit s’être distinguée dans les organisations associatives où elle s’est engagée plus tard. De Chargée des affaires féminines de l’Organe consultatif de la jeunesse (OCJ) de Bonou et de Porto-Novo, ou encore de l’Union nationale des étudiants de Bonou en passant par son statut de membre de la JCI Porto-Novo Impact, elle fait parler d’elle par diverses distinctions. « Si j'ai atteint ce niveau dans le militantisme associatif, j'avoue que ce pojet y a fortement contribué », reconnait-elle.
Wilfried Agoundjèkpo et Chiarath Moutaïrou ont, quant à eux participé à une autre initiative ayant impacté la jeunesse béninoise. C’est le projet Ateliers de la démocratie (ADEMO 2018), financé par l’Ambassade des Etats-Unis et piloté par l’association des bénéficiaires du programme YALI au Bénin (BYAA). Pendant six jours, les participants, près de mille jeunes béninois, ont été aguerris sur la citoyenneté, la démocratie, le fonctionnement des institutions de la République, la décentralisation, la gouvernance, entre autres. Wilfried assure qu’il « opine objectivement » sur les faits de gouvernance ou encore de démocratie au Bénin depuis sa participation aux ADEMO. Biologiste médicale de formation, Chiarath elle, fait partie des jeunes qui ont introduit des requêtes à la Cour constitutionnelle après les ADEMO 2018 et en est fière. La jeune béninoise confie qu’avant sa formation, elle ne savait « pratiquement rien sur comment formuler et adresser un recours à la Cour constitutionnelle » et pourquoi le faire. Comme eux, des centaines de Béninois ont pu se tracer et suivre un chemin, en partie grâce à une formation, un projet ou un atelier financé ou organisé par l’Ambassade des Etats-Unis au Bénin.
Challenges
D’un projet à un autre, plusieurs difficultés sont rencontrées soient par les derniers bénéficiaires, soient par les porteurs de projets, ou encore les deux parties. Ces difficultés ne sont pas sans impacts sur l’exécution du projet ou son avenir. Les « ADEMO 2018 », piloté par BYAA, le réseau des bénéficiaires du programme YALI, contrairement à ce qui était souhaité, n’ont pas pu être dupliqués par plusieurs participants par manque de moyens financiers. C’est le cas de Souad Adéchoubou. Activiste des droits de l’homme, la jeune femme n’a pas pu organiser une séance de restitution, comme convenu aux ADEMO 2018. « Pour dupliquer, il faut les moyens, surtout financiers », fait-elle remarquer. En plus, même s’il y avait des jeunes intéressés, il fallait pouvoir les nourrir et assurer leur déplacement. « Si pour nous autres il n’y a pas eu de perdiems pour le déplacement, les autres ne peuvent pas l’accepter. Les questions ne manquent pas : Est-ce qu’il y a de l’argent ? Est-ce qu’on va manger ? », déplore la jeune femme. En 2018, ajoute-t-elle, elle ne disposait pas encore d’un carnet d’adresse pour solliciter un quelconque soutien. Même ceux qui ont pu le faire, il leur a été difficile de bien organiser la restitution. « Il n’y a pas eu de montant forfaitaire pour organiser la restitution. Nous l’avons fait avec nos maigres ressources. Mais il a été difficile pour nous d’assurer la collation des participants », a confié Wilfried Agoundjèkpo, jeune béninois ayant participé aux ADEMO 2018.
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