
Alougba, une productrice de coton bio dans on champ à Aklampa, septembre 2023
Les réalisations d’Etienne, à l'approche de ses 50 ans, illustrent de manière frappante les impacts positifs que peut avoir le coton biologique sur la vie des producteurs de l'arrondissement d'Aklampa, commune de Glazoué, au centre du Bénin. Cet homme, qui se considérait auparavant comme un échec, révèle avoir redécouvert les signes de la réussite presqu’à la cinquantaine, lorsqu'il s'est lancé dans la production de coton biologique.
« J'ai pu inscrire ma fille à un apprentissage de coiffure jusqu'à ce qu'elle obtienne son diplôme. J'ai acheté une moto à mon fils. J'ai pu acheter un terrain et, par la grâce de Dieu, je vais construire ma maison », témoigne tout heureux Etienne. Au sein de sa communauté, ces réalisations, en particulier l'acquisition de terre, sont perçues comme des marqueurs de réussite sociale, lui conférant ainsi le respect de ses pairs.
Etienne est l'un des nombreux agriculteurs béninois qui ont osé s'écarter de la production conventionnelle du coton, à la recherche de meilleures conditions de vie. Ils témoignent avoir trouvé dans l’agriculture biologique de nombreux bénéfices, aussi bien pour la santé de la communauté, la préservation des terres, qu’en matière de revenus.
« Contrairement à la production conventionnelle, nous n'avons aucun souci à nous faire lorsque nous consommons des produits alimentaires cultivés dans les champs voisins du coton. Grâce à la culture biologique du coton, nos sols ne s'épuisent pas aussi rapidement. Il n'y a plus de stress lié à une mauvaise manipulation des herbicides ou des pesticides qui pourraient nuire à notre santé », partage Nicaise, agriculteur bio depuis 15 ans.
A Aklampa, la production du coton bio, plus généralement l’agriculture bio, est aussi un facteur d’autonomisation économique et de pouvoirs décisionnels pour les femmes qui s’y adonnent. « J’utilise les recettes de la vente du coton pour financer les études de mes enfants et soutenir mon mari dans les dépenses du ménage », confie Philomène. Grâce au coton bio, Alougba, veuve, a érigé une maison de deux fois deux pièces où elle héberge sa petite famille constituée de son fils diplômée d'université. Après le décès de son époux, fait-elle savoir, c’est avec revenu du coton qu’elle a pu financer les études de son fils.
Les empreintes de l’OBEPAB
Le coton est la principale culture de rente du Bénin. Pilier de l’économie du pays, l’or blanc comme on l’appelle, représentait, jusqu’en 2020, selon les chiffres de l’Institut National de la Statistique et de la Démographie, 40% des entrées de devises, 12 à 13% du PIB, environ 60% du tissu industriel national et assure un revenu à plus d'un tiers de la population. Sur la dernière décennie, le Bénin a considérablement amélioré son niveau de production, atteignant un record de 728.000 tonnes (campagne 2020-2021). Grace à ses récentes performances, le Bénin est passé en tête des pays producteurs de coton en Afrique sur trois campagnes consécutives (2018 – 2019/ 2019 – 2020 et 2020 – 2021).
Seulement, la production cotonnière est en grande partie conventionnelle, avec l’usage d’herbicide et d’intrants chimiques. Dans ce contexte de règne du conventionnel, depuis le milieu des années 90, certains agriculteurs ont fait le pari du bio, sous la supervision de l’OBEPAB, organisation pionnière en matière de production de coton biologique en Afrique de l’Ouest. Aklampa, dans la commune de Glazoué, est l’une des premières localités d’introduction dans le pays.
Les agriculteurs collaborent avec l'OBEPAB pour diversifier les cultures, travailler en coopération, échanger des connaissances, créer leurs propres intrants biologiques et utiliser une multitude de techniques biologiques.
Souveraineté alimentaire, changement climatique, décolonisation des récits…
Pour en savoir plus sur les pratiques et les succès de ces producteurs et le travail de l’OBEPAB, une équipe composée d'un journaliste béninois, un spécialiste de l'agroécologie et plusieurs photographes, a mené une enquête de terrain de plusieurs jours.
L’étude est une initiative collaborative de A Growing Culture et Cotton Diaries, qui font respectivement dans la promotion de la souveraineté alimentaire et la production responsable et durable du coton. Elle met en évidence la profonde compréhension qu'ont les communautés cotonnières du lien entre la souveraineté alimentaire et l'industrie textile, de la décolonisation des récits et des pratiques, de l’organisation de systèmes démocratiques et du changement climatique.
« Tout en reconnaissant l’importance du coton, qui est pour eux une valeur refuge, la grande majorité des producteurs rencontrés restent conscients de la fonction nourricière de l’agriculture pour leur famille et la communauté. Ils placent les cultures vivrières dans les priorités obligatoires, et même non négociables, des travaux champêtres », souligne Gamaï Léonce Davodoun, journaliste-expert média, auteur de l’étude de cas.

« La coexistence de l'agriculture biologique avec l'agriculture conventionnelle, dans un environnement dominée par cette dernière, présente des défis considérables pour l'ensemble des producteurs. Néanmoins, sur le terrain, des stratégies de protection mutuelle sont mises en œuvre. Impliquant la collaboration de divers acteurs, ces solutions permettent aux producteurs biologiques de préserver leur certification biologique », ajoute Oluwafèmi Kochoni, spécialiste de l’agro-écologie et co-ateur de l’étude de cas.
L’étude de cas sur le Bénin figurera dans un recueil d’articles aux côtés de deux autres études menées au Brésil et en Inde. La version numérique PDF exclusive peut être téléchargée sur les sites web de A Growing Culture et Cotton Diaries.
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