Ronald Sossou, agrobusinessman béninois
Monsieur Ronald Sossou, voudriez-vous vous présenter aux lecteurs de Banouto qui ne vous connaissent pas ?
Je suis Ronald Sossou, commerçant résidant dans la commune de Bantè. J'opère dans le nord et au centre du Bénin. J’achète les produits tropicaux tels que le soja, le cajou, le karité et bien d’autres choses.
Aujourd’hui, on entend tellement de choses sur la situation du soja au Bénin et on se demande qu’est-ce qui se passe ? Quelle est la situation du soja béninois ?
La situation du soja béninois est plus ou moins tendue. La demande existe mais, elle n’est pas comme auparavant parce que le prix du soja à l’extérieur du pays, au Togo, au Nigéria est plus élevé. Le grand souci des commerçants que nous sommes, c’est que nous payons ça à un prix plus élevé que cela se vend à Cotonou. A Cotonou les premiers soucis auxquels on est confronté au début de la campagne est que le prix d’achat était plus élevé que le prix de vente et la commercialisation aussi n’est pas rapide. Lorsque vous amenez votre soja on vous garde pendant un temps donné avant que vous ne parveniez à vendre et quand vous vendez aussi, le paiement n’est pas automatique.
Vous dites que le prix d’achat est supérieur au prix de vente. D’où vient ce problème ? Comment se fait-il que votre prix d’achat auprès des producteurs se retrouve plus élevé que le prix de vente auprès des exportateurs ?
Cela est dû au fait que -comme d’habitude- chaque année, la commercialisation démarre avant le lancement de la campagne officielle. Les commerçants font des achats collectés sur le terrain qu’ils regroupent dans leurs magasins en attendant que l’Etat ne lance officiellement la campagne de commercialisation du soja ou de n’importe quel produit tropical.
Cette année particulièrement, le prix était déjà à 250 Fcfa et 300 Fcfa le kilo par endroits au moment où le gouvernement a lancé à un prix inférieur à ce prix d’achat déjà pratiqué sur le terrain. Du coup, quand vous payez votre soja sur le terrain et qu’à Cotonou ça se vend aussi à 250 F, vous tournez clairement déjà à perte parce qu’il faut le prix de rapprochement, ajouter à ça le prix de transport, la commission, les taxes qu’on paye à la mairie. Vendre le produit au même prix d’achat après toutes ses dépenses connexes, c’est déjà une perte.
Vous dites que dans des pays voisins, le prix de cession aux exportateurs est plus élevé qu’au Bénin. Est-ce que le Bénin refuse de vendre plus cher son soja ?
Pas que le Bénin refuse de vendre son soja plus cher mais, c’est le prix qui est imposé, le prix de lancement officiel. Ce prix est resté stagnant pendant un temps. A un moment donné, ça a ralenti avant de connaître un peu d’augmentation un peu. Ce qui n’arrange pas les commerçants. Quand je vous dis que le prix est plus élevé ailleurs, je veux par exemple vous parler du Togo à côté qui est allé jusqu’au-delà de 400 F alors que le Bénin n’est même pas allé à 300 F cette année.
Dites-nous, le gouvernement fixe le prix planché ou bien le prix plafonné ?
Ce qui se faisait avant, c’est que le gouvernement fixait le prix planché. Et lorsque la campagne est lancée au prix planché, tout de suite ça commence par grimper et ça va à un prix qui parfois dépendait de l’acheteur sur le terrain. Cette année, le gouvernement a fixé un prix qui était plus ou moins le prix définitif qui n’a pas connu trop d’augmentation.
Quel est l’impact de cette situation chez vous les commerçants ainsi qu’au niveau des producteurs ?
L’impact est négatif chez nous les commerçants comme chez les producteurs. La culture du soja nécessite beaucoup de chose à part le labour, il faut aussi les intrants, les herbicides pour ceux qui ne produisent pas le soja bio. Le prix des herbicides cette année-ci a connu une augmentation galopante ce qui a fait que la production du soja est revenue plus chère au cultivateur. Le commerçant est obligé de prendre au prix fixé par le producteur en attendant le lancement de la campagne. D’habitude quand on lance, le prix fixé est au-dessus du prix d’achat sur le terrain. Les commerçants s’attendaient à cela, ce qui n'a pas été le cas cette année. Du coup, c’est une dette totale, c’est une grande dette.
Dites-nous, pendant que la campagne est en cours, quelles solutions l’Etat peut trouver dans l’immédiat pour soulager commerçants et producteurs ?
Les grands acheteurs à Cotonou sont confrontés à des taxes, des formalités plus élevées qu’avant. Ils n’arrivent à payer, ils n’ont pas les mains libres pour payer aux prix qu’il faut si non, ils pouvaient aller au-delà de ce qui est proposé aujourd’hui.
Pour comprendre, il faut faire un tour dans les pays voisins où le prix est plus élevé, vous allez constatez que ce sont les mêmes grands acheteurs (exportateurs, ndlr) qui opéraient au Bénin qui sont allés s’installer là-bas pour continuer à opérer. Donc, si l’Etat décide aujourd’hui d’assouplir un peu leur situation, de réduire les taxes, je suis sûr qu’ils pourront mieux payer au Bénin.
Peut-on donc retenir que le plus grand problème du soja béninois aujourd’hui ce sont les taxes élevées et la complexification des formalités imposées aux exportateurs ?
A mon avis, c’est ça qui complique les choses. Je dirais aussi que si l’Etat laissait les commerçants sortir le produit du pays moyennant une taxe raisonnable, je pense que ça peut aussi arranger la situation.
Merci beaucoup Mr Sossou, avez-vous un mot de la fin ?
Mon mot de fin, c’est de remercier Banouto de nous avoir écoutés et plaider le cas des commerçants et des producteurs auprès du gouvernement. C’est possible si on a la volonté d’aider la pauvre population que nous sommes. Quand ça marche, ça impacte tout le monde mais, lorsque le robinet est fermé, c’est tout le monde qui a soif.
Réalisation : Olivier RIBOUIS
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