Banikoara centre. La chaleur dicte sa loi en ce début d’après-midi d’un jour de la dernière semaine du mois d’août. Sous un arbre à droite de l’entrée de la mairie, des conducteurs de taxi-moto communément appelés ''zémidjan'' se reposent. A proximité d’eux, une vendeuse ambulante de maïs écoule sa marchandise. De l’autre côté de la route nationale n°7 qui passe devant l’hôtel de ville, un mécanicien assemble les pièces d’un engin à deux roues flambant neuf dans une boutique.
Dans la rue attenante à la boutique, des serveuses d’un débit de boisson papotent et jouent à qui résistera le mieux aux questions d’un groupe de journalistes de médias nationaux et internationaux sur un sujet qui enchante moins : la menace terroriste. Le gérant des lieux, un jeune homme, la vingtaine, hésite répondre à la question de savoir les sentiments qui l’animent à l’évocation du mot ''terroriste''.
André, au guidon de sa moto, est moins imperméable à l’évocation de ce nom commun à quatre syllabes. Commerçant de produits des réseaux de téléphonie mobile dans l’un des quartiers de la capitale de l’or blanc, le jeune homme vit la peur au ventre en raison du nouveau contexte sécuritaire.
« Quand on entend le mot terroriste, tout le monde est stressé, on a peur. Banikoara est proche du parc W et on nous dit que les terroristes sont dans le parc. On se dit qu’à tout moment, ils peuvent attaquer Banikoara centre », avoue-t-il.
Cette menace sécuritaire à laquelle le Bénin fait face depuis l’enlèvement le 1er mai 2019 de deux touristes français et l’assassinat de leur guide béninois a imposé des changements d’habitudes dans plusieurs localités.
A Banikoara, André, commerçant de produits des réseaux de téléphonie mobile, apprend que de nombreuses choses ont changé. A commencer par l’imposition par les autorités d’un couvre-feu à 22 heures. « À partir de 23 heures, on ne sort plus. Les militaires sensibilisent la population pour qu’elle ne reste pas dehors jusqu’à minuit », explique Lucien*, un artisan rencontré à quelques encablures de l’hôtel de ville.
Les horaires de travail de plusieurs artisans et d’autres agents économiques ont été impactés. « Avant je travaillais jusqu’à 23 heures ici. Maintenant, ce n’est pas bon », confie un mécanicien affairé à faire la vidange d’un engin à deux roues. André confie qu’en raison de la situation, il ferme son kiosque de vente de produits de téléphonie mobile à 20 heures.
« Les cultivateurs ne vont pas au champ comme ils y allaient par le passé. Ils vont très tôt à 6 heures et reviennent très tôt », fait savoir Lucien.
L’artisan informe que la situation sécuritaire fait que désormais il est toujours sur le qui-vive. « Aujourd’hui, quand on entend un bruit provenant des herbes, on fuit d’abord avant de nous rendre compte qu’il s’agit d’enfants en train de faire paitre leurs bêtes », apprend-il.
A Kourou-Koualou, localité frontière disputée par le Bénin et le Burkina Faso, les habitants ont abandonné les terres cultivables éloignées des habitations. « On avait des champs vers Daloga mais on n’y va plus. On a cultivé sur les espaces aux alentours des concessions », confie un cultivateur.
Il explique que depuis plus d’un an, la vente des produits agricoles a chuté en raison de la mauvaise qualité de la récolte. « Tu vas au champ, tu veux récolter, on va te dire que les gens-là (expression utilisée pour désigner les groupes armés terroristes) sont venus. Tu es obligé de laisser. Il y a beaucoup de choses qui sont gâtés dans les champs », informe-t-il.
Native de Kandi, Cherifa n’emprunte plus n’importe quelle artère ou piste de la ville qui l’a vue naître il y a 18 ans.
« Il y a beaucoup de dangers sur les voies. On fait attention. On évite d’emprunter les voies où il n’y a personne », révèle l’adolescente couverte d’un jilbab.
Craignant pour leurs vies, les pêcheurs de l’Alibori ne pratiquent plus leurs activités halieutiques sur tous leurs sites. Selon leur président, ils ont décidé de ne plus se rendre sur le site de pêche de Karimama. En raison des actions des terroristes, les populations évitent certaines localités.
« J’allais dans la zone de Guimbagou régulièrement pour les activités champêtres. Mais, je n’y vais plus », fait savoir André, commerçant de produits de téléphonie mobile à Banikoara. Le jeune homme confie y avoir abandonné son champ. Par peur, Lucien, artisan à Banikoara centre, ne se rend plus à Kérou pour voir ses parents qui y ont élu domicile depuis plusieurs années.
De nombreux changements ont été induits par la menace terroriste dans les habitudes de population, en somme. Pour combien de temps en sera-t-il ainsi ? Bien malin est celui qui réussira à cette interrogation avec exactitude. Une certitude, le gouvernement a pris le problème à bras le corps. L'armée est déployée pour sécuriser et rassurer les populations. Dans les actes, le Bénin montre une determination à venir à bout de la menace terroriste.
*Les noms de certaines personnes ont été modifiés pour raison de sécurité
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