Patrice Talon est-il de plus en plus seul ? Il est difficile de répondre avec certitude par l’affirmative à cette question. Mais, l’évidence est là : des hommes clés qui ont œuvré à ses côtés pour la conquête du pouvoir en 2016 puis sa réélection en 2021, ont déjà quitté le navire jusqu’à Olivier Boko, l'ami dans l'ombre du président béninois.
L’ami "trop ambitieux"
Sans aucun portefeuille officiel, il est devenu l’homme de tous les dossiers du régime Talon depuis 2016. Cela lui a valu le sobriquet de Vice-Président, dans le cercle du pouvoir. Mais, l’ami de longue date, en affaires comme en privé, est le dernier et le plus proche d’entre tous à être tombé, visiblement, en disgrâce avec le prince.
Patrice Talon, semble-t-il, n’a pas aimé les ambitions, presque affirmées, de son alter égo de lui succéder à la Marina en 2026. Le point culminant de la brouille entre les deux hommes est l’arrestation de Olivier Boko dans la nuit du lundi 23 au mardi 24 septembre 2024.
Il est accusé des faits présumés de tentative de coup d’Etat. Il a été interpellé dans la foulée de la mise aux arrêts d’un ancien proche collaborateur de Patrice Talon : Oswald Homéky.
« Agbonon junior » claque la porte pour un autre mentor
Après avoir conduit la section des jeunes du mouvement ABT du nom de l’un des actuels ministres d’Etat du pouvoir en place, Abdoulaye Bio Tchané, Oswald Homéky va prendre fait et cause pour Patrice Talon au cœur de sa brouille avec Boni Yayi.
Ce jeune aux ambitions politiques affirmées et assumées va faire la connaissance de Talon lors de son exil à Paris selon ses confidences. Avec certains jeunes, Homéky va même payer la caution de Patrice Talon pour sa candidature à la présidentielle 2016.
A l’avènement de Patrice Talon au pouvoir, il sera nommé ministre de la Jeunesse des sports et loisirs. Dès lors, il va prendre de l’envergure. Ce qui lui vaut le surnom de « Agbonon junior », Patrice Talon étant déjà surnommé « Agbonon » (le puissant en langue fon).
Plus jeune ministre à l’époque, il devient aussi l’un des plus influents dans le gouvernement. En privé, il est aussi proche du couple Talon. Certaines indiscrétions parlent de lui comme étant le « bon petit » de la première dame.
À la suite d'un remaniement, il se voit attribuer les départements du tourisme et de la culture en plus des sports. Le 23 mai 2021, il conserve son poste de ministre des Sports dans le second gouvernement de Patrice Talon.
A la surprise générale, dans la matinée du vendredi 06 octobre 2023, Oswald Homeky démissionne de ce poste. "Agbonon Junior" a été contraint de déposer le tablier pour son engagement à porter la candidature de Olivier Boko à la présidentielle de 2026.
Le "puissant" conseiller spécial à la porte
Parmi les départs des plus proches de Talon, il y a celui de Johannes Dagnon. Avec Olivier Boko, il formait le duo d’hommes de confiance de l’actuel locataire de la Marina.
Un des grands artisans de l’avènement de Talon au pouvoir en 2016 et de sa réélection en 2021, Johannes Dagnon était un pièce maitresse du régime. Sans être membre du premier gouvernement formé par Patrice Talon, il en était le véritable numéro 2.
L’Expert-comptable respecté, l’ancien patron du cabinet Fiduciaire d’Afrique, cousin (côté maternel) et ami de Patrice Talon, est conseiller spécial du chef de l’État. Il dirige le Bureau d’analyse et d’investigation (BAI), chargé de la conception et de la mise en œuvre du Programme d’actions du gouvernement (PAG).
Dans la soirée du 9 avril 2024, sans que rien ne laissait présager cela, Johannes Dagnon remet les clés de son bureau et quitte le palais de la Marina. Un peu plus tôt dans la journée, le patron du BAI de la présidence apprenait qu’il était limogé de son poste de conseiller spécial du chef de l’État, qu’il occupait depuis l’arrivée au pouvoir de Patrice Talon, en 2016.
Un garde des sceaux parti sur la pointe des pieds
Membre du collège d'avocats qui a défendu Patrice Talon et Olivier Boko dans affaires empoisonnement et tentative de coup d'Etat contre Boni Yayi, Sévérin Quenum était cité parmi les artisans de l'avènement du régime. Entré au gouvernement en mai 2018 en remplacement de Joseph Djogbénou désigné pour siéger à la Cour constitutionnelle, il était l'un des proches collaborateurs du président Talon.
A la faveur d'un remaniement ministériel intervenu le 15 avril 2023, Sévérin Quenum est sorti de l'équipe gouvernementale. Quelques jours avant, la presse avait annoncé le limogeage du "monsieur Justice" du gouvernement de Patrice Talon.
L'avocat, visiblement tombé en disgrâce, part presque sur la pointe des pieds sans que le gouvernement n’explique clairement les griefs retenus contre lui par son chef. Son activisme ultérieur dans la mouvance présidentielle soutenant la candidature de l’ami intime du chef de l’État, Olivier Boko, livre quelques pistes sur les motifs qui ont pu être à la base de son débarquement du gouvernement.
Le faiseur de roi exilé
Pour porter Patrice Talon au pouvoir en 2016, l’homme d’affaires, Sébastien Ajavon a été déterminant. Arrivé 3è après le premier tour de la présidentielle, il a appelé à voter, avec la coalition dite de la rupture (constituée de tous les candidats à l’exception de Lionel Zinsou), pour Patrice Talon au second tour.
Pour sa contribution à l'avènement du régime, "le roi de la volaille" avait obtenu une place autour de la table de décisions. Dans le premier gouvernement formé par Patrice Talon, il a pu obtenir quelques portefeuilles ministériels.
La lune de miel entre les deux hommes n’a duré que le temps d’un feu de paille. La découverte, le 28 octobre 2016 au matin, par la gendarmerie de 18 kg de "cocaïne pure" dans l’un des deux conteneurs en provenance du Brésil destinés à sa société Comon Cajaf de "Fofo Séba" comme on le surnomme, tout change.
Fou de rage, Sébastien Ajavon convoque une conférence de presse. Mâchoire serrée, yeux exaltés, il accuse directement le pouvoir d’ourdir un complot contre lui. C’est le début d’une affaire politico-judiciaire qui va contraindre le en exil en France depuis 2019.
Une "tête brûlée" trop exigeante ?
Le premier des hommes forts du régime de Patrice Talon à avoir quitté le navire de la rupture est le sulfureux Candide Azannaï. Moins d'un an après l'avènement du régime dit de la rupture, l'ex-député de Cotonou entré au gouvernement quitte le navire.
Le lundi 27 mars 2017, il dépose sa démission au cabinet du président « pour protester contre les tensions sociales » liées à la volonté du chef de l’Etat de faire passer en urgence au Parlement sa réforme constitutionnelle.
Des indiscrétions soutiennent que cet acteur politique au caractère trempé a nourri l’ambition d’être nommé à la tête du ministère de l’Intérieur après la victoire de Patrice Talon. Au lieu de cela, le nouveau chef de l’Etat l’a envoyé à la défense faisant de lui, le seul ministre délégué auprès du président de la République.
L'auteur du populaire slogan "Tchékéé Edjinko nin" n’aurait pas digéré cela. En plus, il n’aurait pas apprécié la prédominance présumée de l’ami du chef de l’Etat, Olivier Boko sur les décisions des ministres.
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