Verdict défavorable pour le Bénin dans un contentieux devant la Cour de justice de la CEDEAO. La juridiction communautaire a tranché un contentieux opposant une société de droit béninois à l’Etat béninois. Le contentieux est relatif à l’installation d’une usine de coton à Djougou.
Selon le récit des faits, la société requérante a été créée en août 2016 dans le but de la construction et l’exploitation d’une usine d’égrenage du coton à Djougou. Dans ce cadre, selon l’exposé des faits, elle a obtenu « toutes les autorisations administratives nécessaires ». Elle apprend avoir débuté la construction de l’usine avant que les autorités n’annulent les autorisations initialement obtenues.
Les autorités béninoises ont justifié l’annulation des autorisations par un défaut d’accord préalable de l’Association interprofessionnelle du coton (AIC). Pour la société qui a introduit un recours gracieux sans succès, il s’agit d’une décision « arbitraire ». Elle a saisi la chambre administrative du Tribunal de première instance de Cotonou de deux recours en 2017 et 2018. Ces recours, souligne-t-elle, n’ont pas atteint le stade d’un jugement de première instance plusieurs années après.
Dans sa requête devant la Cour de justice de la CEDEAO, la société allègue la violation de plusieurs de ses droits. Notamment le droit de propriété, le droit d’accès à un tribunal et le droit d’accès à un tribunal impartial.
L’actionnaire majoritaire de la société dit avoir perdu, en raison de l’annulation des autorisations, un investissement estimé à millions d’euros. Il demande à la Cour de justice de la CEDEAO, de condamner solidairement l’Etat béninois, Patrice Talon et l’AIC, à lui payer l’investissement perdu et soixante millions francs CFA au titre de son préjudice moral.
La société réclame la condamnation de l’Etat béninois, de Patrice Talon et l’AIC à lui payer la somme de près de 52 milliards de francs CFA. Cette somme est réclamée au titre du chiffre d’affaire attendu et non réalisé, et au titre de son préjudice moral, et des frais d’avocats engagés dans le cadre des procédures interne et devant la Cour de justice de la CEDEAO.
La défense de l’Etat béninois
L’Etat béninois s’est expliqué dans le dossier. Il n’a pas rejeté les faits. Mais il reproche à la société de s’être empressée de saisir la Cour de justice de la CEDEAO alors que les procédures qu’elle a engagées en interne suivent leur cours.
Dans sa défense, l’Etat béninois a soulevé l’incompétence de la Cour de justice de la CEDEAO de connaître de l’affaire. L’Etat béninois estime que la juridiction communautaire est incompétente au motif qu’il n’a ni ratifié ni publié le Protocole relatif à la Cour.
La Cour tranche
La Cour de justice de la CEDEAO, après examen du recours, a rendu son verdict. La juridiction communautaire s’est d’abord déclarée compétente à connaître de l’affaire. Elle a jugé recevables les requêtes de la société contre l’Etat béninois et irrecevables celles à l’encontre de Patrice Talon et de l’AIC. Les requêtes du principal actionnaire de la société ont été déclarées irrecevables par la Cour.
Les juges de la juridiction de la CEDEAO ont conclu que le droit de propriété de la société a été violé par l’Etat béninois. La Cour a soutenu que les autorisations accordées à la société lui confèrent un droit de propriété. Les juges ont noté qu’il y a eu de la part de l’Etat béninois une ingérence dans la jouissance paisible du droit de propriété. Cette ingérence, selon la juridiction, n’est pas justifiée par l’intérêt public et elle n’est proportionnée.
La Cour a rejeté les prétentions de la société relatives à la violation de son droit d’accès à un tribunal et à un tribunal impartial. Les faits énumérés par la société, souligne la Cour, ne contiennent aucune allégation selon laquelle elle a été confrontée à des barrières économiques créées par l’Etat.
La Cour n’a non plus noté qu’il y a eu un traitement discriminatoire au cours des procédures. La société n’a pas évoqué des éléments laissant croire que l’Etat béninois lui a refusé le droit de faire appel des ordonnances qui auraient été rendues en sa défaveur. Les juges ont relevé que la société n’a apporté aucune preuve de ses allégations de partialité des juges à charge des procédures.
La juridiction communautaire a jugé cependant que la cause de la société n’a pas été entendue dans un délai raisonnable. Cela, en ce que l’Etat béninois n’a fourni aucun juste motif pour justifier la période de six ans supplémentaire pendant laquelle la société a attendu les décisions de la chambre administrative du tribunal de Cotonou.
Des millions FCFA à payer à la société
La Cour de justice a estimé que les violations de droit constatées méritent réparation. De ce fait, la juridiction a condamné l’Etat béninois à payer 40 millions de francs CFA à la société pour réparation des violations de son droit de propriété et celui d’être jugé dans un délai raisonnable.
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