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Expo : les « Exils » de Nobel Koty et Tessilim Adjayi à l’espace "Le Centre"

Expo : les « Exils » de Nobel Koty et Tessilim Adjayi à l’espace "Le Centre"

Depuis vendredi 08 avril, le public découvre à l’espace culturel "Le Centre" sis à Lobozounkpa dans la commune d’Abomey-Calavi, de nouvelles dimensions de l’exil dans des œuvres inédites de Nobel Koty et Tessilim Adjayi. Un moment de questionnement et d’émerveillement à l’expo « Exils » ouvert jusqu’au 10 juin 2022.

Depuis vendredi 08 avril, le public découvre à l’espace culturel "Le Centre" sis à Lobozounkpa dans la commune d’Abomey-Calavi, de nouvelles dimensions de l’exil dans des œuvres inédites de Nobel Koty et Tessilim Adjayi. Un moment de questionnement et d’émerveillement à l’expo « Exils » ouvert jusqu’au 10 juin 2022.

expo-exils-le-centre-lobozounkpaExpo "Exils" au Centre à Lobozounkpa

Exil. Ce n’est pas que des clichés de migrants, de déplacés de guerres ou de conflits ethniques. Ce n’est pas que des politiciens fuyant la chasse aux sorcières. Il est individuel, il est pluriel avec un "s".

A l’espace culturel "Le Centre" de Lobozounkpa, deux artistes proposent de découvrir l’exil sous différentes facettes. Après un mois de résidence sur place, le peintre béninois Nobel Koty et le photographe togolais Tessilim Adjayi ont accouché de l’exposition "Exils" ouverte au public depuis la soirée du 08 avril.

Chacun des deux, avec son médium, permet d’avoir une perception au-delà des stéréotypes auxquels fait penser la thématique. « Il n’y a pas un exil. Ce sont toujours des exils », insiste à juste titre cette citation de Mourid Barghout, figurant parmi des écriteaux lisibles sur les murs de la salle d’exposition. 

Les exils forcés et les exils de gré

exils-le-centre-beninExpo "Exils" au Centre à Lobozounkpa

Au contact des œuvres, l’on peut se rendre compte de deux catégories d’exil. L’exil forcé et l’exil volontaire, chacun d’eux pouvant se décomposer en plusieurs autres.

A l’entame du parcours de l’expo, ce sont d’abord les œuvres de Nobel Koty qui captivent le visiteur non seulement par leurs tailles mais aussi, par leurs textures, leurs fonds. La première œuvre Mort ou repos ?, une représentation humaine en peinture acrylique sur toile de forme carrée ( 150x150 cm).  Allongé sur le dos, le personnage du peintre laisse le visiteur se demander s’il est vivant endormi ou s’il n’est qu’un macchabé.  

Cette œuvre signifie au visiteur qu’il est en exil déjà dès qu’il s’endort. A ce moment estime l’artiste, le sujet est pris dans un exil forcé où il n’a plus aucun contrôle sur son existence.

« L’exil forcé, c’est l’exil qui survient lorsqu’on dort par exemple. Un moment tout banal où le corps doit se regénérer. Lorsqu’on est dans ce processus, nous ne sommes pas conscients de ce qui nous arrive, nous ne maîtrisons pas notre corps en ce moment », explique Nobel.

En face de cette œuvre, se trouve un triptyque éponyme intitulé Exil I-II-III. Sur cet ensemble de trois toiles de la série prolongements, Nobel représente, de gauche à droite, l’homme qui s’isole et ne veut rien dire, ne veut rien entendre et ne veut rien voir. Il s’extrait de tout contact avec l’entourage et se replie sur lui-même.  C’est ce que le peintre appelle l’exil volontaire ou l’exil conscient.

exils-le-centre-lobozounkpaExpo "Exils" au Centre à Lobozounkpa

« On s’exile de manière consciente. L’individu peut choisir de s’exiler consciemment. S’exiler consciemment, c’est prendre du recul par rapport à des réalités de la société suite à des questionnements. Se retirer, se confronter à soi-même et se découvrir », explicite l’artiste en phase avec sa création. 

L’exil à tout âge

Dans le même esprit, son alter ego de circonstance, Tessilim Adjayi illustre aussi les deux formes d’exil à travers ses photographies. Un ensemble de treize photographies dans la série Ronou qui signifie réfléchir en langue Yorouba.  Pour l’artiste « il s’agit de réfléchir au concept de l’exil ». Sur toutes les œuvres du photographe, il y a un matériau pour ne pas dire un personnage omniprésent : le carton.

Les personnes filmées par le photographe ont le visage caché par un carton. Sur certaines images, c’est sous le carton que le personnage s’isole, disons s’exile. La double face de l’exil apparaît en grandeur nature à travers les œuvres Ronou IV et V. Sur l’une, c’est l’humain lui-même qui volontairement s’entrelace comme dans un auto embrigadement. Sur l’autre, assis sur une chaise, il est ligoté. « Il y a deux sortes d’exil. L’un consenti, l’autre imposé. Evidemment, on les supporte différemment », relève aussi cet autre écriteau d’Ahmed Khia inscrit contre le mur.

exils-le-centre-lobozounkpaExpo "Exils" au Centre à Lobozounkpa

Autant qu’il aborde aisément les exils, autant Tessilim force le visiteur à voir la douleur des femmes sur le chemin de l’exil forcé avec des bébés et des colis dans les bras. A travers ces œuvres interpellatrices, c’est aussi un autre rappel à la conscience que fait l’artiste. L’exil n’a pas d’âge. On le vit dès l’enfance et jusqu’au dernier moment. Peut-être, dira-t-on que l’humain est en exil sur terre. Il fait ainsi échos à Gaël Faye dans son roman Petit pays. « Je pensais être exilé de mon pays. En revenant sur les traces de mon passé, j’ai compris que je l’étais de mon enfance, ce qui me paraît bien plus mal encore ».

Dialogue, création et libre expression au Centre

L’ensemble du travail que le public a la latitude de visiter jusqu’au 10 juin a été créé sur place au Centre. L’espace situé au quartier Lobozounkpa à Godomey dans la commune d’Abomey-Calavi se veut un cadre où les artistes viennent s’exiler pour créer et diffuser en toute liberté d’expression. Pendant les six semaines de résidence qu’ils ont eues, apprend Marion Hamard, la directrice du Centre, les artistes ont travaillé en toute indépendance.

« Ce n’est pas moi qui les a amenés à choisir cette thématique. C’est eux qui nous ont proposé ce thème. De manière générale, lorsqu’on travaille avec des artistes, l’idée c’est de mettre en commun leurs intelligences, leurs pratiques, leurs visions. Donc, de voir quels sont les points communs et de voir comment on propose une exposition cohérente et où il y a un vrai dialogue », explique Marion Hamard en toute transparence.

De dialogue, il y a en effet été question entre les œuvres des deux artistes. Ce dialogue est aussi celui de deux expressions artistiques, la peinture et la photographie. A l’unisson, dans l’expo Exils, ces deux pratiques de l’art élargissent le champ de compréhension du visiteur sur le sujet qui est d’actualité et intemporel.

Pour les deux artistes, la résidence a été le moment de dépassement et de réinvention de la technique de travail.  Tessilim qui a l’habitude de voiler ses personnages apprend que c’est une première pour lui d’utiliser le carton. C’est, dit-il, « un matériau que je n’ai jamais utilisé par le passé. Par le passé, mes personnages sont voilés, on ne regarde pas leurs visages ».  Ces cartons, il les a récupérés dans la rue pour créer. En conformité avec la thématique, explique l’artiste, « le carton pour moi, définit mieux le concept de l’exil. Derrière ce carton, il y a des gens qui s’exilent pour mieux comprendre leur existence ».

Nobel de son côté est passé à une autre dimension de son travail au Centre. « Au terme de cette résidence, j’ai appris beaucoup de choses. C’est la première fois que je travaille en grand format. Je travaillais sur des petits et moyens formats. Donc, pour moi, cette résidence c’était un défi, explorer de nouvelles choses. J’ai essayé d’explorer de nouvelles techniques. C’est aussi une occasion de se dépasser, sortir de sa zone de confort. Jusque-là, je travaillais dans le cadre de mon atelier. Là, je suis sorti et c’est une très belle expérience pour moi », a témoigné le peintre dont les œuvres forcent l’admiration des visiteurs.

Ouvert au grand public du mardi au samedi de 10 h à 18 h 30 et les dimanches de 13 h à 19h, Le Centre accueille aussi les enfants pour leur permettre d’apprendre et de faire de participer à des ateliers d’arts.