CULTURE

"Sœurs d’ange" : 03 coépouses s'expriment sur la tombe de leur mari

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Représentée pour la première fois à Cotonou le samedi 28 janvier 2023, "Sœurs d'ange" est une pièce de Afi Gbedji, auteure togolaise et mise en scène par Mariame Darra, dans laquelle trois coépouses se vengent de leur mari défunt. 

 

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Le cœur brisé, trois jeunes femmes font leur deuil d’une manière assez originale sur la tombe de leur mari. C’est l’histoire de Femme 1, Femme 2 et Femme 3. Les trois jeunes femmes ont été mariées de force dès 8 ans,  harcelées et exploitées par Monsieur Le, désormais décédé. 

Celui-ci les a collectionnées toute petite. Il se sert d’elles pour monter en grade dans la sphère hiérarchique et sociétale. Ses épouses, il les offre en cadeaux sexuels à ses amis. Pris d’un malaise, Monsieur Le, n’obtiendra pas l’aide de ses femmes qui le laisse rendre l’âme. 

Les trois femmes l’enterrent au cimetière imaginaire de l’Institut français de Cotonou plus proche de leur maison. Elles se rendent sur la tombe de temps en temps de 00 heures à 6 heures. Ce, avec des machettes, chicottes et cigarettes pour fumer, boire, jouer de la musique, chanter et danser pour empêcher Monsieur Le de reposer en paix. La nuit du samedi 28 janvier, elles étaient déterminées à sortir leur défunt mari de sa tombe. Très engagées, elles défoncent la tombe mais en lieu et place des restes de Monsieur Le, découvrent l’indescriptible.

Leur seul objectif est de se libérer de leur passé pour donner un sens à leur vie. ‘’Le même but. Le même objectif.  La même vision’’, scandaient-t-elles en chœur à chaque fois que les bruits d’oiseaux, de fantômes et de tornade tentaient de susciter en elles l’esprit de division et la volonté de s’éloigner du combat commun.  

 "Sœurs d’ange"

 

La pièce de théâtre "Sœurs d’ange" est une œuvre de Afi Gbedji, autrice togolaise de poèmes et de pièces de théâtre. La représentation faite samedi 28 janvier 2023 est la première au Bénin après celles au Niger et au Mali. Une première mise en scène de la pièce depuis son écriture. L’œuvre, précise Afi Gbedji après le spectacle, « parle des femmes qui se battent pour leur émancipation, de personnes en situation d’oppression qui essaient de retrouver leur liberté ».

« "Sœurs d’ange", c’est un cri de détresse, c’est l’expression du mal être de la femme. Elle retrace les non-dits de la femme. Toutes ces femmes au foyer qui vivent dans l’ombre de leurs hommes, qui n’ont pas les mots, qui ne peuvent pas s’exprimer, à qui on ne donne pas le droit d’exister, qui pourtant ont des rêves », a renchéri la metteure en scène, Mariame Darra, Directrice Exécutive de Germes de Pensées, structure productrice du spectacle.

L’idée de produire ce spectacle, a souligné Mariame Darra, est de rappeler l’existence de la femme et ses devoirs dans la société. « Notre rôle de femmes ne s'arrête pas au foyer. C’est un plaisir pour nous d’être dans un foyer. C’est un plaisir pour nous de porter une vie. C’est un plaisir pour nous d’épauler un homme. Mais c’est notre devoir aussi de participer à la construction de l’édifice, construire un pays, à la prise des décisions », a précisé la responsable de Germes de Pensées. 

mariame-darra-beninMariame Darra, metteuse en scène, directrice de Germes de pensées 

Des vécus, une réalité de la société 

Nasrine est l’une des spectatrices de la première représentation de "Sœurs d’ange". A la fin de l’évènement, la jeune femme a dit être « très émue, très contente ». « Le spectacle ressemble à ce que nous avons vécu dans notre enfance chez les cousines, nos mères. C’est du fictif, mais ça relate les vécus », a-t-elle confié. 

Fernand Nouwligbeto, enseignant-chercheur au département des Lettres à l’Université d’Abomey-Calavi a apprécié l’investissement textuel et artistique de la metteuse en scène mais aussi les thématiques abordées dont le harcèlement, la violence conjugale, le viol et le mariage forcé, qui ne sont pas pour lui, nouvelles mais sont à la mode. « Sur le plan purement artistique, on constate que l’essentiel de la pièce s’est déroulé la nuit. Cela fait que les scènes sont vraiment belles. Par exemple, la scène où le trio s’est réuni au fond du tombeau, un univers vraiment paradisiaque en même temps aussi fantastique », a loué Fernand Nouwligbeto. Il estime qu’il y a un travail à faire sur le texte qui donne « l’impression que l’ennemi de la femme, c’est l’homme » et sur la voix des comédiennes. 

Les prochaines représentations de "Sœurs d'ange" sont prévues pour le 4 février à l’Institut français de Parakou, le 11 février à Le Centre à Cotonou, le 18 février à Ouadada et le 10 mars à l’Institut français de Lomé. D'autres dates sont prévues à partir de l'automne 2023.

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