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Crise du soja : les appréciations et suggestions du député Nourénou Atchadé après la rencontre de Talon et des producteurs

Crise du soja : les appréciations et suggestions du député Nourénou Atchadé après la rencontre de Talon et des producteurs

Avec son groupe parlementaire, Nourénou Atchadé et le parti d’opposition "Les Démocrates" ont suivi de très près ce que l’on appelle « la crise du soja » au Bénin. Contacté après la rencontre entre le Président Patrice Talon et les producteurs, l’opposant livre à Banouto, son appréciation. Nourénou Atchadé fait état de violations  observées et juge qu’il est nécessaire de prendre des mesures idoines. Il appelle l’Etat et les producteurs à œuvrer de concert pour le bonheur de tous. Lisez plutôt !

Avec son groupe parlementaire, Nourénou Atchadé et le parti d’opposition "Les Démocrates" ont suivi de très près ce que l’on appelle « la crise du soja » au Bénin. Contacté après la rencontre entre le Président Patrice Talon et les producteurs, l’opposant livre à Banouto, son appréciation. Nourénou Atchadé fait état de violations  observées et juge qu’il est nécessaire de prendre des mesures idoines. Il appelle l’Etat et les producteurs à œuvrer de concert pour le bonheur de tous. Lisez plutôt !

benin-crise-soja-nourenou-atchade He Nourénou Atchadé, chef du groupe parlementaire "Les Démocrates" à l'Assemblée nationale du Bénin

He Nourénou Atchadé, votre groupe parlementaire « Les Démocrates » a été actif sur la crise du Soja. Le président de la République a rencontré les producteurs et des décisions ont été prises. Comment appréciez-vous les derniers développements de la crise du soja ?

Quand notre groupe parlementaire était à Parakou, nous avons fait une audition avec les acteurs du soja et du cajou. Nous leur avions dit de chercher à discuter avec le président de la République. Ils nous ont fait savoir que plusieurs ministres sont passés et que c’était un dialogue de sourds. Nous leur avions conseillé de rencontrer le chef de l’État et nous pensons que c’est la seule personne à même de débloquer la situation.

La rencontre a eu lieu, c’est déjà une bonne chose. Que ce soit les producteurs, que ce soit l’État, chacun est dans son rôle. On a besoin de l’un et de l’autre. L’État défend l’industrialisation nationale, défend le paiement des impôts et les producteurs défendent leurs productions parce que c’est des sueurs.  Il faut que le producteur gagne ce qu’il produit à la sueur de son front. S’il ne gagne pas, il risque d’abandonner la filière et l’État n’aura pas les impôts, l’industriel n’aura pas la matière première. Tous sont complémentaires. Il doit y avoir un dialogue permanent pour que chacun trouve son compte. Je pense que c’est ce dialogue qui a commencé. Je ne pense pas que ce soit la dernière, ils doivent continuer à se parler.

Votre groupe parlementaire réclamait une amélioration de la situation. Le gouvernement a décidé de la hausse du prix d’achat du kilogramme de soja. Est-ce que vous êtes satisfait de cette décision ?

Ce n’est pas nous notre satisfaction qui est le problème. C’est la satisfaction des producteurs. Moi, je ne me mets pas à la place des gens pour dire que je suis satisfait. Quel est le coût de production pour le paysan ? Je crois que cela varie d’une localité à une autre. Quel est le prix qu’on leur offre aujourd’hui ? Je crois qu'on aurait mieux fait, à mon avis, de laisser le marché réguler. Nous ne sommes pas dans un système socialiste où c’est l’État qui fixe le prix. On aurait souhaité que le marché dicte son prix. Si le marché dicte son prix et que c’est 175 FCFA, l’agriculteur va se plaindre à qui ? Mais, si on laisse la concurrence imposer le prix du marché, je pense que les agriculteurs seront plus satisfaits que de leur imposer un prix.

Par le passé, le paiement n’a jamais eu de problème. Un opérateur qui prend la décision d’acheter et s’entend avec le commerçant, une fois le produit déchargé, il paie, il fait le chèque. Ce n’est pas une mesure sur laquelle on devrait s’attarder. Quelqu’un qui prend une marchandise et attend un mois avant de payer, je crois que c’est de l’escroquerie. Cela ne s’entend pas. C’est pourquoi je demandais que le marché régule et qu’on quitte dans ce système qui frise le monopole.

Cette campagne tire à sa fin, est-ce que vous avez des conseils ou des recommandations pour qu’on n’assiste pas à une telle situation les fois à venir ?

La campagne est perdue pour les producteurs parce qu’il y en a plusieurs qui ont déjà vendu à perte. Il y a plusieurs qui ont des difficultés. J’ai même vu des images horribles qu’on n’a jamais vues dans notre pays. Des gens arrêtés et mis à poils, on n’a jamais vu ça dans notre pays, même pour des contrebandiers. Il faut que les auteurs soient punis et nous, nous allons veiller à cela. C’est contre les droits de l’Homme.

Oui mais, ces images avez-vous une certitude de leur authenticité, il faut encore vérifier avant d’abord de pouvoir opiner dessus non ?

Oui mais, puisque personne n’a démenti depuis. Nous avons vérifié. Nous avons appelé des transporteurs pour vérifier. Si c’est faux, il va falloir qu’on démente. Nous sommes dans une République, on ne peut menotter les gens et les mettre à poils. Moi-même, les premiers jours, je me suis réservé parce que, avec les réseaux sociaux aujourd’hui, il peut y avoir beaucoup de choses. J’ai demandé aux gens de vérifier avant qu’on opine dessus. Ce qui a été fait. L’origine même des chauffeurs est connue. Ce n’est pas une bonne chose. Nous sommes dans des localités où de tels comportements peuvent mener même au suicide. On ne peut pas faire ça, humainement ce n’est pas bon.

A l’avenir, que conseillez-vous alors ?

Je conseille qu’on ne fasse pas la répression jusqu’à ce point. On a appris que même des paysans qui transportent leur soja des champs pour la maison sont traqués. On ne peut pas faire ça. Si le gouvernement interdit la sortie du soja hors du territoire par voie terrestre, on a qu’à attendre à la frontière pour arrêter les gens. Mais, à l’intérieur du pays, je crois que c’est de l’abus d’autorité. Cela donne aujourd’hui le pouvoir d’arnaquer, de violenter les populations. Il faut que le président de la République qui a le devoir de garantir la vie des personnes puisse lutter contre cela.

Est-ce que vous avez également un mot à l’endroit des producteurs qui sont aussi des acteurs clés dans la maîtrise de cette filière chez nous au Bénin ?

J’ai entendu beaucoup de choses ces derniers temps : « on ne va pas produire le soja », « on ne va pas produire le coton ». « On ne va pas produire ceci, on ne va pas produire cela ». Je pense que c’est sous le coup de l’émotion et je voudrais inviter les paysans à revenir en eux-mêmes, à travailler, à se concerter avec l’Etat et à continuer la production parce que le soja, le coton, le cajou, tout ça fait partie de notre économie. Plus la production du coton baisse, plus la croissance du Bénin diminue. Donc on ne peut pas opter pour le boycott de la production des ces produits. On doit opter pour le dialogue et je voudrais demander à l’État d’être plus flexible, comprendre les acteurs.

Lorsque quelqu’un qui produit par exemple le coton dit qu’il a produit 5 hectares pour 4 tonnes, cela veut dire qu’il a eu 800 kg à l’hectare. Si cette personne a un coût de production de 250 000 FCFA par exemple à l’hectare, il gagne 40 000 à 50 000 FCFA à l’hectare sur l’année. S’il doit dégager tout ce qu’il a dépensé et ses efforts personnels, le paysan dit qu’il roule à perte. Je suppose qu’il est à 30 000 FCFA quand on fait la somme, cela fait 150 000 F CFA. Ce qui veut dire que c’est son bénéfice annuel. Que peut faire un homme avec 150 000 FCFA en un an ?

D’année en année, on clochardise les paysans, on les rend plus pauvres et on les rend plus vulnérables. Et comme ils sont déjà habitués à la production, il leur est difficile d’abandonner. Je crois qu’il faut dialoguer et j’invite surtout le gouvernement à aller vers les producteurs. Qu’est-ce qui s’est passé pour que le producteur abandonne une partie de sa production de coton pour aller vers le soja ? Il faut régler ça. Et cela ne peut pas être réglé par la violence ni par les taxes. Je mets l’accent sur la négociation, parce que si les paysans abandonnent la production, je crois que notre économie va prendre un coup et nous risquons d’avoir la famine dans le pays. Nous refusons aujourd’hui que nos produits sortent, demain les autres aussi sont en mesure de refuser d’envoyer leurs produits chez nous. Étant entendu qu’on ne peut pas vivre en autarcie, qu'on doit s'auto-suffire, je crois qu’on doit négocier de tous les côtés pour qu’on ait plus ces problèmes.

Réalisation : Olivier RIBOUIS

Transcription : Donald Kévin GAYET