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Bénin : Ganiou Soglo relate le film de son agression armée en 2021

Bénin : Ganiou Soglo relate le film de son agression armée en 2021

L’agression contre sa personne, la démocratie béninoise sous le régime du président Patrice Talon, la décrispation de la tension politique, les élections législatives du 8 janvier 2023, la présidentielle 2026...Ganiou Soglo, ancien député et ex-ministre, s’exprime…sans langue de bois. C’est à travers une interview exclusive à Banouto.  

L’agression contre sa personne, la démocratie béninoise sous le régime du président Patrice Talon, la décrispation de la tension politique, les élections législatives du 8 janvier 2023, la présidentielle 2026...Ganiou Soglo, ancien député et ex-ministre, s’exprime…sans langue de bois. C’est à travers une interview exclusive à Banouto.  

ganiou-soglo-deces-rosine-sogloGaniou Soglo

Jeudi 23 février 2023 à Cotonou. Ce jour-là, il fait un soleil de plomb sur la capitale économique du Bénin. Dans un bureau à quelques encablures de la présidence de la République, des collaborateurs de l’ancien ministre et ex-député Ganiou Soglo arrivent les uns après les autres. Le premier arrivé sur les lieux est le photographe. Il sera plus tard rejoint par le directeur de la communication. Puis arrive l’assistant de Ganiou Soglo.

Ces trois collaborateurs de l’ex-ministre se retrouvent en ces lieux pour assister à l’interview que leur patron a bien voulu accorder à Banouto après avoir été sollicitée quelques jours plus tôt. Le rendez-vous pour l’entretien est prévu d’abord pour 12 heures avant d’être décalé plus tôt. « Le ministre dit qu’on va démarrer à 11 heures. Moi, je pensais que, en 30 minutes, on aurait fini parce qu’il a un autre rendez-vous à 13 heures. Son directeur de la communication dit qu’à voir les questions, il faut compter entre 75 et 90 minutes », a confié son assistant pour justifier le décalage.

Dans son bureau bien avant l’heure du rendez-vous, Ganiou Soglo s’affaire. Et quand vient l’heure de l’interview, le fils de l’ancien président Nicéphore Soglo se rend disponible…après avoir fait du café pour ses collaborateurs.

Banouto : Le 5 février 2021, vous avez été victime d’une agression à Zinvié. Deux ans après, comment vous portez-vous ?

Ganiou Soglo : Je vais bien. Je vais même très bien et on doit rendre grâce à Dieu, aux mânes de nos ancêtres et à mes parents, tout particulièrement à ma mère qui, par rapport à l’évènement que vous avez mentionné, s’est chargée de tout pour que je sois évacué dans de meilleures conditions.

Le 17 octobre 2022, vous avez publié votre premier livre, « 17 minutes pour vivres », dans lequel vous revenez sur cette agression. Pourquoi cet ouvrage ?

Je dois avant tout propos vous dire qu'il est important pour moi, pour ma famille, pour mes proches, d'avoir ce devoir de mémoire. Trop souvent d'ailleurs on reproche aux Noirs, aux Africains en particulier, de ne pas consigner dans un livre, leurs pensées, des évènements majeurs de leur vie. C’est un évènement majeur dans ma vie, donc, il était important que je donne ma part de vérité dans cet ouvrage parce qu’il y avait beaucoup de choses qui ont été dites suite à cet évènement.

Vous souvenez-vous de ce qui s’est passé cette nuit du 5 février 2021 ? Pouvez-vous nous relatez un peu ce qui s’est passé ?

Ce que je peux vous dire sans révéler quoi que soit parce que l'affaire est toujours devant la justice, c'est que les choses se passent en un quart de seconde. Tout ce que je peux vous dire sans me tromper, même si ça fait deux ans que ça s'est passé, c’est qu’on a vu à un moment donné un tronc d'arbre sur la route. Bien évidemment, mon chauffeur, mon homme de confiance Pascal a ralenti et donc a contourné dans la brousse ce tronc d'arbre. À ce moment-là, les choses vont très vite. On entend des bruits et voilà. Après il a eu le réflexe d'accélérer. C’est après que je me suis rendu compte qu'on m'avait tiré dessus.

Vous avez reçu une balle dans la poitrine…

J’ai reçu une balle près du cœur. Il a fallu dix-sept (17) minutes à mon chauffeur, homme de confiance, pour m'extirper de Zinvié et me ramener à Cotonou. Dix-sept (17) minutes au lieu de quarante, un vendredi soir, alors qu'il y a le ''go slow'' (embouteillage, ndlr). Il m’a sauvé la vie. Malgré cela, on l'a mis en prison pendant une semaine. Et après on a mis en prison son épouse. Il y a quelqu'un qui me sauve la vie et vous le mettez en prison.

La justice a ouvert une enquête. Où en est cette enquête ? Avez-vous les résultats ?

Je présume que ça suit son cours. Je ne peux pas vous en dire plus aujourd'hui parce-que je ne sais pas. Je n'ai pas d'autres éléments apportés par mon conseiller juridique.

Les autorités judiciaires ont affirmé que vous n’avez pas coopéré à l’enquête…

On me tire dessus le vendredi soir, je parle aux commissaires centraux de Cotonou et de Calavi le lendemain, le samedi matin. Le directeur de la brigade criminelle vient, je lui parle le samedi. Comment voulez-vous que je coopère avec la justice mieux que ça ? Je peux faire quoi de plus ? 

Après j'ai entendu, tout ce qui a été dit.  Nous avons entendu ma famille et moi, ma mère. Une maman, son aîné est en exil, on tire sur le second et la communication qui a été faite a été de dire : ''Ganiou Soglo, personne ne lui a tiré dessus. Il raconte des histoires, il veut tirer la couverture à lui. Il refuse de coopérer avec la justice béninoise''. Vous vous rendez compte ? Si ce n'était pas dramatique, c'est carrément comique.

Insinuez-vous que votre agression a été commanditée par le pouvoir ?

Pas du tout, je n'ai pas de preuves jusque-là.

Mais vous semblez très remonté contre le pouvoir…

On a tué des gens en 2019 dans notre pays soi-disant parce que le pouvoir du président Talon était en danger. J'ai été fils d'un chef d'État et il est important de rappeler un certain nombre de choses. Vous pensez que le pouvoir du président Nicéphore Soglo n'était pas en danger ? Qu'on ne le critiquait pas, qu'on ne l'insultait pas ? 

Ce n'est quand-même pas le pouvoir qui a ordonné de tirer. En 2019, le ministre de l'intérieur d’alors, Sacca Lafia a affirmé dans une interview à RFI que l'ordre n'a pas été donné de tirer et qu'une enquête serait ouverte.

On a tiré sur des gens et on ne sait pas qui a donné l'ordre, une enquête a été ouverte? Vous avez des informations que moi je n'ai pas. Toujours est-il qu’on a tiré sur des gens, des gens sont morts, des gens sont en exil ; Ce que nous n'avons jamais connu dans notre pays auparavant.

Vous avez intitulé votre livre « 17 minutes pour vivre ». Mais il y a un sous-titre : « Bénin, la nuit est longue mais le jour vient ». Qu'est-ce que nous devons comprendre de ce sous-titre ?

Que depuis 2016, avec l'avènement de l'actuel chef de l'État, on a basculé dans un autre Bénin. Notre savoir-vivre a été mis à mal. Une sorte de plomb s’est abattue, pour moi, sur notre pays. Il y a eu des morts, des exilés, des gens qui sont en prison simplement parce qu’ils n’ont pas voulu adhérer aux réformes politiques et économiques du chef de l’Etat.

Mais, qu’est-ce qu’on n’a pas dit sur Soglo Nicéphore ? ''Pavé mi nan doua ?'' (Est-ce le pavé que nous allons manger ?). Il avait des opposants. On injuriait sa famille. Mais, il a tiré sur quelqu’un ? Il a mis quelqu’un en prison ? C’est de ça qu'il s'agit. Je me rappelle les propos tenus par maître (Joseph, ndlr) Djogbénou et maître (Sévérin, ndlr) Quenum, quand ils battaient le macadam en criant la démocratie, aucun des fils et des filles de ce pays ne doit être apatride. Ils ont oublié ce combat-là. Donc, oui la nuit est longue mais le jour vient.

Suite de l'interview à venir demain, mercredi 19 avril 2023