Violation, crime d’enlèvement ou de séquestration, rapt, mandats d'arrêt. Ce n’est pas en des termes tendres que le Togo apprécie ce que l’on désigne au Bénin, avec bémol, comme l’« arrestation » du sieur Steeve Amoussou. Près de deux semaines après les faits à Adidogomè, un quartier de Lomé, la justice togolaise vient de situer l’opinion publique. Sans aucune référence au chroniqueur avatar "Frère Hounvi", le procureur de la république du parquet de Lomé, Talaka Mawama a dénoncé l’enlèvement d’un citoyen béninois sur le territoire togolais.
« Le lundi 12 août 2024, aux environs de 21h, monsieur Steeve Amoussou, de nationalité béninoise a été enlevé à Lomé au quartier Adidogomé et conduit vers une destination inconnue par des individus non identifié. En effet, alors que le susnommé établi au Togo depuis plusieurs années est sorti de l'immeuble où il habitait pour une course, il a été appréhendé non loin de là par quelques individus qui visiblement y étai en affût. Ces individus l'ont embarqué dans un véhicule d'immatriculation béninoise puis ont roulé en direction de la frontière togolaise du côté Est », rapporte un communiqué du procureur lu à la télévision publique du Togo (TVT), dimanche 25 août 2024.
Le Togo montre patte blanche
Tant attendue dans un moment où le mystère autour du dossier grossissait et entretenait la confusion, la réaction de Lomé est d’une clarté limpide. Elle prouve que cette « arrestation » n’a pas été faite dans le cadre d’une coopération policière des deux pays et permet d’appeler un chat, chat. Aussi ôte-t-elle des esprits l’anomie qu’on était tenté de croire se produire au Togo. Pour ce pays voisin, le silence jusqu’alors gardé faisait passer le Togo pour une terre dangereuse pour opposants au régime du Président Patrice Talon. Que neni ! Selon le procureur de Lomé, ces faits commis sur le territoire togolais sont « en violation flagrante du droit international et des règles en matière de coopération pénale internationale » et « s'analysent en l'incrimination d'enlèvement ou séquestration au sens des articles 283 et 284 du nouveau code pénal » en vigueur au Togo.
Le Togo, par la voix du procureur Talaka Mawana, se lave, de ce fait, de toute compromission susceptible de ternir sa réputation de terre refuge. Il n’y a surtout pas que des opposants béninois qui s’y sont installés. Et, l’incident de l’"enlèvement" de Steeve Amoussou présenté dans l’opinion comme étant le sulfureux chroniqueur anonyme populaire sur Facebook et dans les groupes WhatsApp béninois, n’était pas de nature rassurante.
Le Bénin, dos au mur
A présent, c’est au Bénin de clarifier les faits. Depuis les premières annonces en date du 13 août sur les réseaux sociaux et dans les médias locaux, la justice béninoise ne s’est pas prononcée. Pourtant, l’homme au cœur de ce qui se profile comme une affaire d’Etats, a déjà été écouté par le parquet spécial de la cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET). L’audition hautement secrète faite avec les médias tenus scrupuleusement à l’écart, a accouché d’un mandat de dépôt et Steeve Amoussou séjourne dans une prison béninoise depuis le mardi 20 août.
D’après Peace Fm, un média béninois qui a obtenu les confidences de son audition, Steeve Amoussou est poursuivi pour des faits de « harcèlement par voie électronique, initiation et publication de fausses nouvelles par le biais des réseaux sociaux et provocation directe à la rébellion ».
En l’état, après les déclarations du procureur de Lomé, la justice béninoise peut-elle être fière de juger un individu kidnappé en territoire étranger, dans un Etat voisin avec qui le Bénin est censé entretenir des rapports de bon voisinage ? Mieux, comment peut-on parler de justice si les méthodes employées pour l’arrestation d’un prévenu sont dénoncées comme des faits « en violation flagrante du droit international et des règles en matière de coopération pénale internationale »? Il est vrai que les autorités de chaque sont libres d’apprécier les faits comme elles l’entendent mais, il est tout de même des réalités qui sont communes. Et, le Bénin n’a pas inventé la justice internationale, puisque l’arrestation d’un individu en territoire étranger doit se faire suivant des règles bien connues.
Pour l’heure, ce n’est que le son de cloche de Lomé qui est entendu, Cotonou doit parler.
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Gilles GOHY
il y a 1 mois