Ganiou Soglo
Le 8 janvier 2023, les Béninois étaient aux urnes pour choisir leurs 109 représentants de la 9e législature. On a constaté que vous n’étiez pas candidat. Pourquoi avez-vous choisi de ne pas vous présenter ?
Rires. Monsieur le journaliste, vous avez cette réponse. Je n’appartiens pas à une chapelle politique. Donc, je ne peux pas être candidat à quoi que ce soit. Laissez-nous le temps. Le jour viendra où les conditions seront peut-être différentes. Mais, aujourd’hui, je n’appartiens pas à un parti politique pour pouvoir être candidat. Ça, c’est la première des choses.
La deuxième des choses, comme je vous l’ai dit, pour moi, c’était une grande mascarade. Vous voyez, il fallait donner des gages aux bailleurs de fonds, à certains de nos partenaires. Donc, on organise un raout. Les gens ont le droit d’aller à ce grand raout, les ''Démocrates'' ont le droit d’aller à ces élections-là. Moi, je suis un homme politique et l’homme politique te dit, ne pas aller à une élection, ce n’est pas bien, la politique de la chaise vide n’est pas bonne. Mais, à des moments donnés, quand la situation s’y prête, il vaut mieux ne pas aller jouer à une grande mascarade alors que vous ne contrôlez rien. Pour moi, il était hors de question d’aller cautionner ce grand raout qu’on fait plus pour les autres que pour nous-mêmes.
Ne pensez-vous pas que vous aviez tort ?
Pas du tout. Et je pense que la population, dans sa globalité, n’a pas non plus adhéré à ces élections. Habituellement dans les élections législatives qui sont une fête avant l’avènement du président Talon, on était bien au-dessus des 70,75% de taux de participation. Vous avez vu le taux de participation, 35%. Mais nous avons des chiffres qui montrent que c’est encore plus bas. Maintenant, chacun d’entre nous à sa lecture des chiffres. Les gens n’ont pas adhéré et n’adhèrent pas aux réformes politiques et économiques du gouvernement actuel. C’est la lecture que moi j’en fais.
Vous avez dit que les Démocrates avaient le droit d’aller à ces élections et ont réussi à lever 28 sièges. Quelle lecture avez-vous de ces résultats ?
Je crois que malgré le faible taux de participation de notre population, ils ont clairement gagné ces élections. Après, quand vous ne contrôlez rien, on peut vous faire croire ce qu’on veut.
Pensez-vous comme d’autres leaders de l’opposition que les résultats officiels ne reflètent pas la réalité des urnes ?
Un cacique dans ce pays a dit qu’il n’y a que Nicéphore Soglo pour organiser des élections et les perdre. Il a peut-être raison de le dire. Mais je lui rappellerai simplement en lui disant oui Soglo a perdu les élections mais il fait en sorte que toi, peut-être, aies pu continuer tes études et devenir un avocat brillant. Parce que si Soglo avait dit moi je n’accepte pas, peut-être que tes parents seraient morts. Je suis très fier de mon père, très fier alors. Il n’a aucune goutte de sang dans les mains. Et pourtant qu’est-ce qu’on n’a pas dit sur Nicéphore Soglo et sa famille.
Est-ce que vous pensez que les actions entamées par les députés du parti d’opposition Les Démocrates à l’Assemblée nationale vont dans le sens que vous souhaitez ?
Il faut leur laisser un peu de temps. Ils viennent juste d’arriver.
Mais ils ont commencé déjà à donner de la voix dès le jour de leur installation…
Moi, je ne peux juger les choses que dans un minimum de durée. Là, ils viennent d’arriver. Ils posent leurs jalons. Il faut leur laisser le temps de continuer. Mais, ça va dans le sens qu’ils avaient eux-mêmes dit. Donc, oui, ça va.
Quelles sont, de façon globale, vos attentes des députés de l’opposition au cours de cette 9e législature ?
Sincèrement, aucune.
Vous estimez que ces députés de l’opposition ne peuvent rien apporter ?
Je n’ai pas dit cela. Je vais vous dire. J’ai été député et à l’époque, Rosine Vieyra Soglo était présidente de notre groupe parlementaire. De ce fait, elle allait à la conférence des présidents. Il y a une règle, à moins qu’on ait changé le Règlement intérieur de l’Assemblée nationale. Les questions au gouvernement ne peuvent pas être émises par un député si la conférence des présidents n’a pas statué là-dessus pour donner son avis et son accord.
Nous, on était l’un des partis les plus représentatifs avec 27 députés. Mais dites-moi, qu’est-ce qu’on a pu faire ? Rien du tout. La conférence des présidents disait à Rosine Vieyra Soglo, question au gouvernement, ce n’est pas possible.
Après, vous avez un autre stade où vous pouvez interpeller le gouvernement sans tenir compte de la conférence des présidents. Rosine Vieyra Soglo le faisait de temps en temps où elle se levait et interpellait le gouvernement. Mais ça, c’était elle. Vous avez vu ce qui s’est passé dernièrement sous la 7e législature. Quand le député Guy Mitokpè a voulu poser la question, le président Houngbédji a pris son maillet, a tapé et a dit : '' on n’arrête. Je lève la séance''.
Vous craignez que la même chose se passe sous cette législature ?
Mais oui. Ecoutez, à moins qu’on ait changé le Règlement intérieur. Là, je vous rappelle ce que j’ai vécu en tant que député. Rosine Vieyra Soglo a été députée pendant plus de 30 ans et on a été au courant de beaucoup de choses. Il y a des limites. Mais on était dans une démocratie. Là on n’est plus dans une démocratie, ça va être difficile.
Vous avez beaucoup critiqué la gouvernance du président Patrice Talon. Est-ce à dire qu’il n’y a rien de bon qui se fait ?
Il y a des choses qui ont été faites par ce gouvernement qu’on applaudit. La digitalisation des services publics est une bonne chose. La politique culturelle est une bonne chose. Oui, je reconnais qu’il y a des choses positives qui sont faites, bien faites. Mais je dis, ça passe après nos morts. Quand il y a un mort, pour simplement un déni d’expression, c’est un mort de trop. Il y a des exilés, des gens en prison. Cela entache indubitablement, selon moi, tout ce qui est fait de bien par l’actuel gouvernement.
Si vous étiez à la place du président de la République, que feriez pour corriger ce que vous dénoncez ?
Moi, je ne suis pas président de la République. Vous me donnez la chance pendant une demie seconde, dans la fiction, de dire je suis président. Ce n’est pas difficile ce qu’il faut faire pour apaiser le cœur de nos concitoyens : libérer les gens, favoriser le retour des exilés, indemniser ceux qui sont morts.
Le chef de l’Etat, il est chef des armées, chef du gouvernement. Si ce n’est pas lui qui a donné l’ordre de tirer sur les personnes décédées (dans les violences électorales et post-électorales, ndlr), qui a donné l’ordre ? On doit pouvoir situer les responsabilités.
Et laisser place à la compétition. On a vendu que notre président est un compétiteur. Un compétiteur laisse les gens compétir avec lui et le peuple décide. L’exclusion est toujours très mauvaise. On a vu dans certains pays, on a voulu exclure des gens, c’est très mauvais. On refuse la compétition et après on dit vous ne respectez pas les lois. Exclure les gens de facto, je crois que ce n’est pas bien et notre pays mérite mieux que cela.
1 commentaire
1 commentaire
Gogo
il y a 1 an