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Burkina Faso- Capitaine Ibrahim Traoré: « Ce n’est pas une guerre de pouvoir »

Burkina Faso- Capitaine Ibrahim Traoré: « Ce n’est pas une guerre de pouvoir »

Nouvel homme fort du Burkina Faso après la chute vendredi 30 septembre 2022 du Lieutenant-Colonel Paul Henri Damiba, le Capitaine Ibrahim Traoré s’est exprimé ce samedi. Dans un entretien téléphonique à VOA Afrique, le chef de la junte fait le point de la situation qui prévaut dans la capitale burkinabè où des tirs ont été entendus dans la matinée. Le Capitaine Ibrahim Traoré parle des objectifs du combat des militaires qu’il dirige et assure que ce n’est pas une « guerre de pouvoir ». Lire la transcription de l’interview par Banouto.  

Nouvel homme fort du Burkina Faso après la chute vendredi 30 septembre 2022 du Lieutenant-Colonel Paul Henri Damiba, le Capitaine Ibrahim Traoré s’est exprimé ce samedi. Dans un entretien téléphonique à VOA Afrique, le chef de la junte fait le point de la situation qui prévaut dans la capitale burkinabè où des tirs ont été entendus dans la matinée. Le Capitaine Ibrahim Traoré parle des objectifs du combat des militaires qu’il dirige et assure que ce n’est pas une « guerre de pouvoir ». Lire la transcription de l’interview par Banouto.  

Ibrahim-Traorecapitaine Ibrahim Traoré

Ce qui se passe sur le terrain, c’est qu’il y a une tentative du président Damiba d’entrainer les forces à l’affrontement. Nous sommes en réserve depuis un certain temps.

Nous avons vu des hélicoptères qui nous ont survolés et qu'on n'a pas engagés bien que nous ayons la capacité de le faire. Il a fait entrer des forces spéciales, pas toutes les forces spéciales, il faut le dire. Peut-être que les forces spéciales envoyées ne connaissent même pas leur mission parce que nous avons des éléments à l'intérieur qui se demandent c'est quoi le problème. A l'instant, je sais qu'ils sont en train d'essayer de corrompre. 

Nous nous sommes en ligne avec des hommes et nous savons tout ce qui se passe. On leur dit seulement, il ne faut pas rentrer dans le jeu. J’ai été contacté par des soldats qui m’ont déclaré qu’on les a rassemblés pour aller à Ouagadougou et ils espèrent que c’est pour venir me soutenir. Là où je suis au courant, je dis oui, votre chef de corps va me soutenir, là où je ne suis pas au courant, je dis, je sais que c’est pour venir contre moi. Quand je leur dis ça, ils disent non qu’ils ne vont pas embarquer derrière celui là.

A l’heure actuel qui sont les hommes qui sont déployés cet après-midi dans les rues de Ouagadougou vers la télévision nationale, à Ouaga 2000, à Babasy?

Les hommes qui sont déployés partout, à la télévision, vers Babasy, ce sont mes hommes.

C'est eux qui tiennent la ville...

C’est nous qui tenons la télévision, vers le rond des Martyrs et tout.

Et les hélicos qui sont en l'air?

Les hélicoptères qui sont dans l’air, c’est la base aérienne. J’ai essayé de communiquer avec le commandant quand j’ai vu décoller les hélicos pour comprendre la logique mais il n’a pas décroché. J’ai décidé de m’abstenir d'abattre un hélicoptère parce que ça doit nous servir à faire le reste du combat. Ce n'est pas le moment de passer à cette escalade. 

Beaucoup sont inquiets et se disent que les forces burkinabè vont se rentrer dedans, quel appel vous avez à lancer ?

Le combat que nous, nous menons, ce n’est pas une question de pouvoir et ce n’est pas une question de blesser et encore moins de tuer quelqu’un. Si nous voulions, en minutes de combat, nous l'aurions pris, et peut être qu’il serait mort, le président. Mais loin de nous, l’idée d’imaginer cette catastrophe. Voilà pourquoi nous n’avons pas engagé de forces pour attenter à la vie de quelqu’un et nous ne sommes pas dans la logique de nuire.  Parce qu'on n'a aucun problème personnel avec lui. Le combat que nous menons, c’est pour le Burkina Faso. Il faut aller dans les fins fonds du Burkina pour comprendre certaines choses. Moi je patrouille dans la brousse avec mes hommes.

La logistique minimum ne suit pas et vous trouvez encore vos populations meurtries. Si vous arrivez dans certaines régions toutes les feuilles des arbres ont disparu. Les hommes mangent des feuilles, les herbes sont mangées. On propose des solutions pour permettre de produire et protéger ces gens-là, on ne nous écoute pas. On a tellement proposé de solution.  J’ai compris que les gens font de la politique au lieu de faire ce pourquoi nous sommes venus. N’oubliez pas que moi je suis acteur majoritaire de ces événements de 23 et 24 janvier.  

Les gens se demandent, quel genre de transition vous allez mettre en place, est ce que ce sera une transition militaire ou civile ?

Ah non non, pas militaire, pas forcément militaire. Quand on dit une transition militaire, c’est trop dit. Le communiqué d’hier est assez clair. En attendant des assises qui vont choisir un président. Nous ne sommes par là pour le pouvoir. Mais comme je le dis, je suis dans mon gilet, dans mon casque. L’idée même c’était dès demain de descendre quelque part avec les mêmes hommes qui m'ont suivi pour faire un nettoyage. L'idée n’est pas le pouvoir. Ça ne nous intéresse pas. Ça empêche de vivre tranquillement si je peux dire en fait.

Mais nous voulons combattre, nous voulons protéger nos populations. Nous voulons sortir notre population de cette misère, de sous-développement et de cette insécurité. C’est ça le combat. Nous sommes avec les hommes et nous voyons comment ils tombent pour des ‘’mirabilités’’ et pendant que des chefs sont assis et ne se soucient aucunement de l’homme. L’homme c’est important. Il faut tomber avec lui dans l'herbe, combattre, rouler et comprendre la souffrance que nous endurons. 

Mais si vous vous retrouvez dans des débats logistiques mineurs pendant que les gens sont en train de devenir des milliardaires derrière. C’est cette bourgeoisie de la hiérarchie que nous déplorons aussi. Pourquoi les hommes sont avec nous? C’est parce qu’ils connaissent nos objectifs. Ils reconnaissent le patriotisme qui nous anime. C’est ça la réalité. Donc, partout au Burkina, vous n’allez pas arriver dans un seul corps où vous n'allez pas entendre parler de moi. Pas parce que je suis le plus gentil ou quoi, parce que j’ai fait le terrain avec la plupart. Et on connaît mon attachement à l’homme. Cette guerre, ce n’est pas une guerre de pouvoir.

En ce moment les Burkinabè sont beaucoup inquiets et la sous-région aussi. Qu’est-ce que vous pouvez dire pour rassurer les gens ?

Tout ce que je peux dire, nous tenons nos positions. Nous n’avons vraiment pas eu l'intention de nuire au président mais voilà qu’il nous a pris pour ennemis. Nous allons encore essayer de lui donner une chance. A défaut de cela nous serons obligés de lancer un appel à beaucoup de soldats burkinabés qui vont rallier la capitale. Ce qui n’est pas forcément bien pour nous. Mais nous pouvons rassurer la population de rester sereine. Nous avions nos plans, nous avons décrit tout ce que nous voulons. Nous avons des partenaires avec qui nous voulons travailler. Nous avons tout ce que nous pouvons pour sortir ce Burkina Faso de cette situation.

La CEDEAO a fait ce communiqué hier où elle insiste sur le maintien du calendrier de transition qui a été établi. Est-ce que c’est votre entendement ?

Oui. Peut-être même, moins que ce calendrier. Quand nous faisons l'estimation, le programme que nous voulons mettre en place, nous n’avons pas besoin même de douze mois pour passer à plus de 60%. Donc on n’a pas besoin selon nous de 2 ans pour ça. Le calendrier de la CEDEAO est large même. 

Vvous ne comprendrez pas les actions militaires. C’est des petits problèmes de logistiques et des considérations de la valeur humaine. C'est ça le problème.  C’est ce qui nous a amenés ici. Donc, le calendrier de la CEDEAO, ils n’ont pas à s’inquiéter. Comme je vous le disais, ce n'est pas le pouvoir qui intéresse les gens.

Moi, je n'ai pas décidé, j’ai été choisi. Et ça fait trois semaines que ça bouillonne au sein des jeunes officiers tout comme les soldats. J’ai essayé de lui dire attention, attention, attention. La dernière fois j’ai souffert pour dégoupiller pour dire aux gens de ne pas faire quelque chose. Je suis allé le voir. Je suis resté pendant près d’une semaine à Ouagadougou à lui parler mais rien.

Et les gens voient aussi la destination qu’il prend politiquement. Donc ça aussi ça pose problème à certains Burkinabè. Je suis reparti dans mon combat et finalement les hommes ont décidé que je revienne et je suis là. Ce n’est pas ma personne qui ai décidé de faire ça. Donc, la CEDEAO peut rester tranquille. Ce n’est pas une question de pouvoir. Si dans quatre, cinq, six mois, l'ordre est rétabli.

Ce ne sera pas militaire de toutes les façons. On n'est pas là pour ça. Les civils vont choisir leur président et on va continuer le combat.