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Hôpitaux du Bénin : des révélations sur la détention illégale des femmes accouchées

Hôpitaux du Bénin : des révélations sur la détention illégale des femmes accouchées

L’ONG le Groupement la vie pour tous (GLVPT) a rendu public, vendredi 9 décembre 2022, les résultats d’une étude sur les conditions de vie des femmes retenues dans les centres de santé pour non payement des frais hospitaliers. Les Victimes, leurs maris et l’Etat partagent les responsabilités.  

L’ONG le Groupement la vie pour tous (GLVPT) a rendu public, vendredi 9 décembre 2022, les résultats d’une étude sur les conditions de vie des femmes retenues dans les centres de santé pour non payement des frais hospitaliers. Les Victimes, leurs maris et l’Etat partagent les responsabilités.  

ONG GLVPT résultats d'une étude des femmes accouchées détenues dans les hôpitauxLes participants

Le phénomène de femmes accouchées gardées dans les centres de santé et hôpitaux pour non payement de factures a fait l’objet d’une étude. L’ONG le Groupement la vie pour tous (GLVPT) a présenté les résultats de son travail sur la question qui constitue une réelle préoccupation pour plus d'un. Le contenu du rapport a été rendu public, vendredi 9 décembre 2022, au cours d’un atelier de validation et de restitution de l’étude sur la « détention illégale des femmes accouchées dans les hôpitaux aux Bénin pour défaut de payement ». Cette étude sur la thématique a été réalisée grâce au soutien de la Commission béninoise des droits de l’hommes (CBDH) et l’accompagnement financier de l’Union européenne.

L’étude a été réalisée sur 51 femmes accouchées et gardées dans les départements du Littoral, de l’Atlantique, de l’Ouémé et du Borgou et dans 06 centres hospitaliers universitaires et de zones. Il s’agit du CNHU, du CHUZ d’Abomey-Calavi, de l’hôpital de zone d’Allada, du CHUD de Porto-Novo, de l’hôpital de zone d’Adjohoun et du CHUD de Parakou. Ces femmes sont « détenues » parce qu’elles n’ont pas les moyens de payer leurs frais d’hospitalisation. Selon le rapport, malgré que ces femmes soient retenues dans les hôpitaux, elles doivent se débrouiller pour survivre.

« Les repas sont à 100% assurés par elles-mêmes ou leurs proches, de même que les soins de santé pour celles qui ont eu des problèmes de santé dans la période. Quant aux toilettes, une sur deux femmes ont dû payer pour satisfaire à ce besoin », a révélé l’étude.

Les femmes des foyers polygames sont moins touchées par ce fléau social que celles de foyers monogames. « Les résultats révèlent que les femmes de foyers monogames sont prépondérants dans le groupe et représentent 45,1% de l’effectif total contre 33,3% de polygames. Les célibataires et celles qui sont en union libre ne font que 21,6% de l'ensemble », apprend le document. D’après l’analyse du document, elles sont habituées à se prendre en charge parce que très ignorées par leur mari.

Ces femmes sont en moyenne à leur troisième geste avec une plus grande chance d’accoucher par la voie la basse, soit 54,9%. Il ressort de cette étude que le phénomène s’observe beaucoup plus dans les milieux urbains avec une plus forte proportion au Centre national hospitalier et universitaire de Cotonou. Une bonne partie de ces femmes (45,1%) sont inactives et donc en situation de précarité, un peu comme leurs conjoints.

Le rapport révèle que parmi ces femmes accouchées retenues, il y en a qui sont des mères d’un enfant, d’autres de jumeaux et même celles qui ont perdu leur bébé à la naissance. « Les femmes qui n'ont pas soldé les frais liés à la naissance de leur nouveau-né, séjournent en moyenne 20 jours dans les centres de santé », renseigne le document. Ces séjours constituent pour les femmes qui ont déclaré majoritairement (82,4%) que cette situation est une source de stress ou de souci. L'Étude a souligné que ces femmes victimes se retrouvent dans ces conditions parce que leurs maris et conjoints refusent de prendre leurs responsabilités.

Des représentants des centres hospitaliers se défendent

Des responsables de centres hospitaliers ont apporté des clarifications sur la situation. Ils ont été unanimes sur le fait que les femmes victimes sont gardées afin que le centre puisse recouvrer les frais pour son fonctionnement. Selon Jemilath Lalèye, assistante sociale au Centre hospitalier universitaire de la mère et l’enfant lagune (CHU-MEL), toute patiente qui compte demander l’assistance doit 3 semaines supplémentaires. « Une femme qui est venue solliciter l’assistance peut rester encore une, deux, et trois semaines au maximum pour suivre toutes les étapes », a-t-elle indiqué.

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Ce problème constitue le quotidien des hôpitaux que ce soit public ou privé a affirmé Mathias Codjia, chargé de la division clientèle de gestion administrative des patients CHU-MEL. Pour lui, le problème est récurrent à cause de la mauvaise foi des usagers. « Imaginez-vous, on dit je suis indigent. On oriente cette femme au niveau du service social pour faire la procédure pour que l’Etat puisse te payer les frais et elle dit qu’elle ne peut faire toutes ces courses », a-t-il déploré. Le comble, a-t-il souligné, est que certaines d’entre les femmes refusent de fournir leurs pièces pour prendre un engagement avec le centre.  

Le représentant du directeur général du CNHU, Gilles Djossou a fait savoir que certaines patientes trouvent même du plaisir à être gardées dans les centres. Il a expliqué que ces patientes profitent de leur séjour pour créer de petites activités. « Il y en avait une qui a accouché au CNHU. Elle est restée et son enfant aussi a accouché dans le centre », a-t-il le chef session accueil et orientation des malades. Il a insisté qu’il en avait plusieurs femmes qui ont profité de leur séjour au CNHU pour commencer des activités.

« Viens les voir exposées par terre les couches, du coton, et autres pour satisfaire certaines demandes. Donc elles n’ont plus envie de retourner dans leur ancienne vie, parce que la nouvelle est mieux », a-t-il fait comprendre.

L’Etat indexé

Selon Joseph Glèlè, président de la coalition des défenseurs des droits humains du Bénin, l’Etat en est quelque part responsable de ce fléau qui s’observe dans les hôpitaux du Bénin. « On constate que les responsables des hôpitaux sont dans leur rôle », a-t-il signifié. Il a ajouté que « ce n’est pas de leur faute mais c’est des consignes reçues par les agents des centres et c’est l’Etat qui démissionne ». Il se justifie par le fait que les centres qui gardent les patientes sont publics et demandent aux femmes de payer pour leur fonctionnement. Donc pour lui, l’Etat, à travers les centres, ne peut pas exiger le payement des frais et dans le même temps refuser que les patientes ne soient pas gardées.

Prince Agbodjan, rapport de la Commission béninoise des droits de l’homme (CBDH) a proposé une solution aux responsables des hôpitaux pour éviter des problèmes avec la justice dans ces genres de cas. Il a invité les responsables d’hôpitaux à ne pas jouer le rôle de l’Etat en demandant de force de l’argent aux patientes. Sinon, a-t-il souligné, ils tomberont sous le cours de l’article 8 de la constitution qui stipule que « la personne humaine est sacrée et inviolable. L’Etat a l’obligation absolue de la respecter et de la protéger ». Le juriste a donc proposé aux responsables de saisir les commissariats afin de porter plainte contre ces femmes au cas où elles refuseraient de payer leur frais d’hospitalisation.