Le visage du Frère Hounvi est désormais connu du grand public. Depuis mardi 13 août, son arrestation à Lomé au Togo fait grand bruit à Cotonou. La nouvelle partie comme une rumeur sur les réseaux sociaux a pris corps avec la déclaration de l’homme d’affaire et opposant béninois en exil Martin Rodriguez. Il l’a annoncé dans une vidéo sur Youtube où il met en garde le régime du Président Patrice Talon contre toute atteinte à la vie du chroniqueur.

Un "enlèvement" digne d’un film

Lundi 12 août 2024. Tout allait bien pour le jeune activiste politique. Il venait de passer une journée d’exil comme tous les autres depuis qu’il a décidé de prendre le maquis pour être une voix critique de dénonciation de ce qu’il considère comme les frasques du pouvoir. Il était loin de s’imaginer qu’il ne pourra plus produire ses chroniques tant appréciées du côté de Cotonou. Il sonnait environ 22 heures de Lomé, 23 heures à Cotonou, quand des hommes se saisissent de lui.

« Alors qu’il venait de prendre son repas de la soirée, Steeve Amoussou alias Hounvi qui était sorti de sa maison, acheter un article auprès d’une dame en face de son domicile sera interpellé par quatre individus qui, sans déclarer leurs identités, vont procéder à son kidnapping. » rapporte son avocat, Me Aboubakar Baparapé au micro de nos confrères de Bip radio.

Les efforts du voisinage pour faire échec sont vains. L’homme, peut-être le plus recherché des activistes politiques opposés au régime de Patrice Talon, est embarqué dans un véhicule noir parti à toute allure. De Lomé, destination Cotonou. Les ravisseurs auraient réussi à tromper la vigilance des forces de sécurité togolaises en passant par voies détournées jusqu’à la frontière bénino-togolaise de Hilacondji. Déjà encagoulé, "Frère Hounvi" aurait été couvert de pagne lors des passages discrets par des check-points. 

Entrés sur le territoire béninois avec lui, les individus qui le transportaient l'auraient  confié à un agent de l’Office central de répression de la cybercriminalité (OCRC) qui se chargera de le conduire à Cotonou. 

Comment Hounvi a été localisé et arrêté ?

Ces quatre ou cinq dernières années où sa voix, tel un cri venant du désert résonnait fort, bien malin qui aurait pu s’imaginer que le célèbre chroniqueur résidait à Lomé, à moins de trois heures de routes. Cela lui valait entre autres, le surnom d’OVNI. Ses dénonciations parfois précises avec des informations top secret faisaient même croire qu’il a des contacts auprès du pouvoir et pouvait être, selon certains complotistes, un agent de diversion.

C’était sans compter avec la patience des services de renseignements béninois. D’après le quotidien Le patriote Bénin, c’est en suivant les traces de ses collaborateurs que les services béninois sont parvenus à l’individu tant recherché. « La police qui travaillait sans découragement a fini par tomber sur une « bonne » piste. Elle a réussi à identifier Féréolle Akueson un de ses collaborateurs, un graphiste qui l’aidait dans le montage de ses chroniques.

La police réussit à l’arrêter le dimanche 04 août 2024 à l’église en pleine messe. L’interrogatoire de ce dernier amène à une autre personne Roméo de Montaguère, lui aussi collaborateur du chroniqueur. Les perquisitions dans leurs domiciles et les fouilles de leurs ordinateurs et téléphones portables ont permis de disposer d’un faisceau d’informations qui ont permis de localiser "frère Hounvi" à Lomé. », apprend le média.

Ses collaborateurs, informe la même source, sont accusés de cybercriminalité, chantage au gouvernement et atteinte à la sureté de l’Etat et attendent l’ouverture de leur procès. 

"Hounvi" aux mains de la justice béninoise

Désormais aux mains de la justice béninoise, Steve Amoussou est assisté par un collège d’avocats. Me Aboubakar Baparapé figure parmi les hommes en robe noire qui se chargeront de sa défense. Face à la presse mercredi 14 août, il a dénoncé les circonstances de l’arrestation de son client. Pour lui, les officiers béninois ont agi en violation des lois nationales et internationales. 

Me Baparapé juge « crapuleux » cet "enlèvement" en territoire togolais. Il dénonce également une violation de procédure dans le dossier qu’il convient d’appeler « Arrestation de Steve Amoussou alias  Frère Hounvi ». En violation des droits de son client, apprend l’avocat, « sur un plan procédural, il est à dénoncer que depuis mardi qu’il a été mis à la disposition de la police républicaine par ses ravisseurs, il n’a été autorité à échanger avec ses avocats que cet après-midi du mercredi 14 août, ce qui est une violation du code de procédure pénale. »

Au sujet de Steeve Amoussou apprend, Me Baparapé, il jouissait du statut de réfugié au Togo au moment de son "enlèvement". « Steve Amoussou est un réfugié béninois titulaire de sa carte de réfugié au Togo », clame-t-il. 

En dépit de la violation dénoncée, la procédure continue de suivre son cours. Elle demeure encore à l’étape des enquêtes préliminaires et le prévenu est gardé dans les locaux de la Brigade économique et financière (BEF). Dans les jours à venir, Steeve Amoussou, alias Frère Hounvi devrait passer devant le procureur spécial de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET) Mario Mètonou. 

Selon la procédure, informe Me Baparapé, « il sera auditionné en présence constante de ses avocats et au terme du délais légal de garde à vue, il sera présenté à Mr le Procureur spécial. De toutes les façons, le délai maximal de garde à vue est de huit jours, le minimum est de 48 heures. Donc, au plus tard lundi prochain, sa procédure devrait pouvoir être bouclée au niveau de l’enquête préliminaire. »

Pour ce qui est de l’état d’âme du chroniqueur adulé par de nombreux Béninois, il tient le coup. L’homme qui se fait appeler « opposant sans peur »,  a le moral haut. Nonobstant, pense son avocat, c’est le moment pour ses compatriotes de lui témoigner leur soutien. « Le frère Hounvi se porte très bien. Il a le moral et nous espérons qu’avec le soutien des 13 millions de Béninois et des Béninois à l’étranger que son moral en sera encore beaucoup plus dopé. »