Archives

Sébastien Ajavon: 04 choses à savoir sur la saisie des biens de l’opposant béninois

Sébastien Ajavon: 04 choses à savoir sur la saisie des biens de l’opposant béninois

Le 1er juillet 2022, la maison de l’opposant béninois Sébastien Ajavon a été vidée de ses biens, devant des forces de sécurités et de défense. Voici quatre (04) choses à savoir sur la saisie de ces biens.

Le 1er juillet 2022, la maison de l’opposant béninois Sébastien Ajavon a été vidée de ses biens, devant des forces de sécurités et de défense. Voici quatre (04) choses à savoir sur la saisie de ces biens.

sebastien-ajavon-benin

Sébastien Ajavon, homme d'affaires béninois en exil en France (Illustration)

Vendredi 1er juillet 2022. La maison de l’homme d'affaires béninois Sébastien Ajavon a été vidée. Ses biens: meubles, voitures, etc. ont été saisis. Plusieurs images de cette opération ont circulé sur les réseaux. Banouto vous propose quatre (04) choses à savoir sur la saisie des biens du PDG de Comon SA. 

 

1- Exécutif d’une décision de justice

La saisie des biens de l’opérateur économique Sébastien Ajavon fait suite à une décision de justice dans l’affaire TVA. Selon les informations de Banouto, la décision a pris corps après l’épuisement des voies de recours prévues par le mis en cause. Le dossier dit TVA qui oppose l’Etat béninois à Comon SA de l’homme d’affaires Sébastien Ajavon a été examiné lors d’un procès à la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET). 

Le 1er mars 2020 la juridiction spéciale a rendu son verdict dans le dossier. Ainsi, Sébastien Ajavon, a écopé de cinq (05) ans d’emprisonnement ferme et 2 400 000 FCFA d’amende. Il a également été condamné à payer à l’Etat béninois, quatre vingt milliards (80 000 000 000) de francs CFA pour les préjudices subis par l’administration fiscale et à soixante milliards (60 000 000 000) de francs CFA pour les préjudices non fiscaux.  Le 29 mai 2020, la CRIET a rendu un arrêt de non-lieu partiel. La défense à interjeté appel de cette décision. Mais le 18 juin, la chambre d’Appel a confirmé cet arrêt. Dans ce dossier, l’Etat béninois, représenté par l’Agent Judiciaire du Trésor (AJT) et la Direction Générale des Impôts (DGI) s’est constitué partie civile.

 

 2- Une possibilité de vente amiable manquée

Selon les informations de Banouto, avant la saisie des biens de l'opérateur économique, le 1er juillet 2022, la chance lui a été donnée de vendre lui-même ses biens. Le 22 février 2022, a appris Banouto, le titre exécutoire a été signifiée au requis (Sébastien Ajavon, Ndlr) avec commandement de payer le montant total de 156 566 203 038 de francs CFA “sous réserve des intérêts à échoir, des frais de poursuites, tous autres dus, droits et actions avec la déclaration que faute par lui d’y satisfaire, il y sera contraint par toutes les voies de droit et notamment par la saisie-vente de ses biens”.

Le 23 mars 2022, les biens du PDG de Comon SA ont été “mis sous mains de justice”. A compter de cette date, il disposait d’un (01) mois pour procéder à la “vente amiable” à défaut de laquelle il sera procédé à la “vente forcée”.

A l’issue de ce délai, l’Etat béninois a requis l’autorisation par ordonnance du juge aux fins d’enlèvement desdits biens. Cette ordonnance a fait objet de signification au requis pour l’exercice de son droit de recours. C’est après cette étape que le vendredi 1er juillet, les biens ont été enlevés conformément à cette ordonnance avec la présence d’un huissier de justice de chacune des parties, des représentants de Sébastien Ajavon et les forces de sécurité et de défense. 


 

3- L’affaire dite TVA

Selon les ״Accords de Badagry’’ conclus entre le Bénin et le Nigeria, certains produits  dont les produits congelés sont interdits d’accès sur le territoire nigérian. Dans cette logique, la douane  béninoise n’est pas habilitée à  accomplir les formalités douanières y relatives et tout exportateur béninois vers ce pays n’est autorisé à réclamer le remboursement de la TVA sur la Valeur supposée supportée en amont ou du remboursement de crédit de TVA. C’est sur ces fondements que l’affaire dite TVA qui oppose Sébastien Ajavon, PDG de Comon SA et l’Etat béninois a été portée devant la justice. 

Par la lettre n°104/09/AG/DAF du 20/03/2009, Sébastien Ajavon a sollicité du Ministre de l’Economie et des Finances une facilitation des procédures douanières d’exportation de produits congelés en direction du Nigeria. Conformément à l’accord de facilitation, sa société ne doit exporter que les produits congelés à destination du Nigeria en vue de bénéficier d’un remboursement de crédit de TVA. 

Le Ministre de l’Economie et des Finances, par courrier n°1281/MEF/DC//SGM/DGDDI en date du 30 mars 2009, lui a marqué son accord avec la condition que « le bénéfice des avantages liés à ce régime (bénéfice du remboursement de crédit de TVA) est subordonné à la production de certificat délivré par les Autorités consulaires Béninoises accréditées auprès de la République Fédérale du Nigeria, attestant de l’entrée des marchandises sur ce territoire ».

Au Bénin, le mécanisme de remboursement de crédit de TVA est prévu aux articles 242 à 247 du Code Général des Impôts (CGI). Selon ses dispositions, le contribuable dans le cadre de ses opérations d’achats supporte en amont une TVA dite déductible  qui est normalement imputée sur celle facturée (TVA collectée) sur les ventes pour dégager un surplus à reverser à l’Etat. 

Dans le cas où le contribuable vend légalement hors du territoire national, l’Etat a prévu, pour rendre les produits béninois compétitifs sur le marché international, un taux de facturation de TVA égal à zéro. Cela entraîne une TVA collectée zéro et le contribuable n’a plus de possibilité d’imputation. 

Dans ce deuxième schéma, l’Etat a prévu le remboursement de la TVA supportée en amont pour éviter la tension sur la trésorerie des entreprises. La société Comon SA s’étant engagée, dans sa demande de facilitation, à exporter en totalité ou en partie ses produits vers le Nigeria, est en retour autorisée à récupérer la TVA payée en amont sur les importations mais à condition de justifier que l’exportation a été effective.

La société Comon SA a déclaré les produits qu’elle a vendu notamment au Nigeria et a présenté aux autorités béninoises différents certificats délivrés et signés par l’Ambassadeur du Bénin à Abuja au Nigeria au moment des faits. Or dans l’accord de facilitation, les documents exigés doivent être signés par les Autorités consulaires Béninoises accréditées. Ces documents doivent attester que les produits ont été effectivement vendus sur le territoire nigérian. Comon SA a également présenté des quittances de sortie délivrées par la douane béninoise.  Selon la DGI et la TVA, ces documents ne sont pas authentique. De plus, l’Etat béninois accuse la société de réclamer le remboursement de crédit de TVA sans avoir fait de l’exportation. D’où le redressement fiscal de 147 milliards fait à sa société. Dans le fond du dossier, estiment les avocats de l’homme d’affaires, ce “redressement fiscal n’est pas fondé”

 

4- Plainte “irrecevable” à la Cour Africaine

Après sa condamnation par la CRIET dans le dossier dit de redressement fiscal le 1er mars 2022, Sébastien Ajavon a saisi la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples (CADHP). Suite à la décision de non-lieu partiel rendu par la même cour en mai, il a encore saisi la CADHP. Dans sa requête, l’opérateur économique A demandé à la juridiction continentale de condamner l’Etat béninois à lui payer trois milliards huit-cent-soixante-neuf millions soixante-onze mille deux cent vingt-quatre (3 869 071 224) francs CFA, au titre des fonds bloqués par l’Etat du Bénin , assortie des intérêts au taux d’escompte de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). Il a également réclamé 1,5 milliard au titre du préjudice moral à lui causé par cette affaire. 

Le PDG de Comon SA a demandé l’annulation pure et simple de “l’arrêt n° 021/CRIET/COM/2020 du 29 mai 2020 de non lieu partiel et de renvoi devant la chambre des jugements de la CRIET statuant en matière correctionnelle et tout acte, décision judiciaire ou condamnation qui en serait la conséquence directe”. Ajavon a évoqué l’impossibilité pour lui d’avoir droit à un procès équitable pour irrecevabilité de l’action civile pour cause de “transaction jouissant de l’autorité de la chose jugée”, protégée par l’article 7 des la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples. 

Le requérant a rappelé toutes les procédures judiciaire et administrative qui ont fait suite à ce dossier dit de TVA entre 2011 et 2015. Il a souligné qu’après un règlement à l’amiable,  l’Etat béninois s’est engagé à rembourser les frais dus à sa société jusqu’à ce qu’il y ait une suspension en 2016. Dans son recours, Ajavon dit n’avoir pas compris comment en novembre 2017, l’AJT s’est constitué partie civile pour porter plainte contre sa société dans une affaire déjà réglée. Le dossier dit de “faux en écriture et authentique ou publique par fausse signature complicité et escroquerie” porté devant le tribunal de Première instance de Cotonou a été transmis à la CRIET en 2018. A ce niveau, les faits contre Ajavon ont été requalifiés en “faux en écriture publique, complicité de faux en écriture publique et escroquerie”.  

En réponse à sa requête devant la CADHP, l’Etat béninois a estimé que l’homme d’affaires n’a pas puisé toutes les voies de recours dans son pays et a relevé l’incompétence de la Cour. 

Le 1er avril 2021, la Cour africaine a rendu une “ordonnance de mesures provisoires” pour demander la suspension de la condamnation de Ajavon dans le dossier TVA. Mais l’Etat béninois n’a pas fait suite à cette demande, malgré les appels incessants de ses avocats. 

Dans son arrêt rendu le jeudi 2 décembre 2021 après l’examen du recours, la CADHP a déclaré la requête de Sébastien Ajavon “irrecevable”. « La Cour relève qu'en l'espèce, le Requérant n'indique aucune entrave de nature procédurale ou d'une autre nature en relation avec le pourvoi en cassation devant la Cour Suprême. D'ailleurs, la Cour note que la Cour suprême a vidé sa saisine par un arrêt rendu le 29 janvier 2021 soit sept (7) mois après la date à laquelle le Requérant s'est pourvu en cassation. Au vu de ce qui précède, la Cour estime que les arguments du Requérant sont inopérants et qu'il a introduit prématurément son recours devant la Cour de ceans », souligne la juridiction basée à Arusha en Tanzanie.

Selon les juges de la Cour africaine, le patron de Comon SA aurait dû attendre l'issue de son pourvoi en cassation. Sur cette base, la Cour a déclaré “fondée l'exception tirée du non épuisement des recours internes” soulevé par l’Etat béninois et a conclu que “la Requête ne satisfait pas à l'exigence de la règle 50 du Règlement”. 

Contacté ce mercredi 6 juillet 2022 par Banouto, l’avocat de l’homme d’affaire n’a pas souhaité réagir à la saisie des biens de son client, intervenue le 1er juillet.