Siège du groupe Orano
Accusations environnementales, dénonciation d’un modèle économique « inéquitable », mise sur le marché de stocks d’uranium contestés. Le bras de fer entre les autorités militaires nigériennes et le groupe Orano emballe l’opinion.
Derrière les déclarations politiques, une réalité plus complexe se dessine, faite de contentieux internationaux, de divergences d’interprétation et d’affirmations parfois contradictoires.
Une nationalisation sans compensation
Le 19 juin 2025, les autorités militaires nigériennes annoncent la « nationalisation » de la Société des mines de l’Aïr (SOMAÏR). Cette décision, présentée comme une reprise en main souveraine d’un actif stratégique, se traduit dans les faits par l’éviction d’Orano, actionnaire majoritaire (63,4 %), sans compensation ni négociation préalable.
Dès décembre 2024, Orano avait déjà perdu l’accès opérationnel au site, placé sous contrôle des autorités. Le groupe engage alors une procédure devant le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI). Le 23 septembre 2025, le tribunal arbitral lui donne raison. Il enjoint à l’État nigérien de s’abstenir de vendre, céder ou transférer à des tiers l’uranium produit par la SOMAÏR, tant que le différend juridique n’est pas tranché.
Malgré cette décision, Niamey annonce en novembre puis décembre 2025 l’écoulement sur le marché international de quantités d’uranium issues des stocks de la SOMAÏR. Orano affirme n’avoir reçu aucune information sur les volumes transportés, les conditions de sûreté ou la destination finale, tout en rappelant les risques de détournement liés à un transit hors des corridors internationaux sécurisés.
Un modèle économique consensuel et gagnant-gagnant
Pour justifier la nationalisation, les autorités nigériennes dénoncent depuis plusieurs mois un modèle économique « désavantageux » et des prix d’achat « imposés » par Orano. Les données disponibles, ainsi que les documents transmis par le groupe français, dressent cependant un tableau plus nuancé.
En réalité, les sociétés minières à savoir, la SOMAÏR et, jusqu’à sa fermeture en 2021, COMINAK, vendaient leur production à leurs actionnaires, Orano et la Société du patrimoine des mines du Niger (Sopamin) pour la partie nigérienne. Chacun, expliquent les services d’information du groupe français, récupérait sa part au prorata de sa participation.
Pour ce qui est de la fixation des prix, assurent les mêmes sources, elle n’était pas unilatérale. Elle se faisait en concertation avec le ministère nigérien des mines, sur la base soit d’une formule indexée aux cours internationaux, soit d’un prix fixe annuel proche des niveaux du marché. Ce mécanisme est, selon les professionnels du secteur, conforme aux pratiques observées dans la plupart des pays producteurs d’uranium.
De ce fait, loin d’être systématiquement dépossédé, l’État nigérien, actionnaire à 36,6 % qui bénéficiait d’un droit de regard sur les volumes et sur les prix. Comme Orano, l’Etat nigérien gérait ensuite sa part commercialisable en toute autonomie.
Madaouela, un site au cœur d’accusations environnementales contestées
En décembre 2025, le gouvernement nigérien accuse publiquement Orano d’avoir abandonné sur le site de Madaouela, près d’Arlit, plusieurs centaines de barils contenant des carottes radioactives dont les mesures dépasseraient les seuils internationaux. Les autorités affirment disposer d’indices de pollution et évoquent la possibilité de poursuites judiciaires.
Orano dément catégoriquement ces allégations. Le groupe rappelle qu’il ne possède aucun permis d’exploitation sur Madaouela et qu’aucune activité minière n’y est conduite sous sa responsabilité. À ce jour, il affirme n’avoir reçu aucune notification officielle d’une action engagée par l’État nigérien à ce sujet.
Le site de Madaouela, propriété d’un autre opérateur, n’a jamais été intégré au périmètre industriel d’Orano. L’entreprise juge donc infondée l’attribution de ces déchets supposés, qu’elle qualifie de « contre-vérité visant à justifier la nationalisation et la revente des stocks contestés ».
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