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Opération Mirador : comment l’armée béninoise fait face à la menace terroriste

Opération Mirador : comment l’armée béninoise fait face à la menace terroriste

Surpris par la menace terroriste en 2019, le Bénin a réagi en lançant une opération d’envergure en janvier 2022. Dénommée ''Mirador'', cette opération militaire vise à défendre l’intégrité du territoire béninois. Reportage au cœur de l’opération de lutte contre les groupes armés au Bénin.

Surpris par la menace terroriste en 2019, le Bénin a réagi en lançant une opération d’envergure en janvier 2022. Dénommée ''Mirador'', cette opération militaire vise à défendre l’intégrité du territoire béninois. Reportage au cœur de l’opération de lutte contre les groupes armés au Bénin.

Dans un vrombissement de moteur suivi d’un grand vent, la super-puma s’élève. L’appareil se stabilise au-dessus de la Pendjari et prend la direction du nord-ouest. La vue au-dessus de la réserve naturelle où vivent les dernières familles de Guépards de l’Afrique est unique.

 

 

Sur un côté, au pied d’un pan de la chaîne de l’Atacora verdoyante, les lodges. Sur des arbres, à proximité, plusieurs familles de babouins jouent. Les uns se balancent. Loin, un groupe d’éléphants. Un peu plus loin, d’autres animaux de moins en moins distinguables en raison de la prise d’altitude du vecteur aérien.

 

 

Après quelques minutes passées à survoler le vaste parc qui donne l’impression de s’étendre à l’infini, l’hélicoptère atterrit après avoir soufflé l’herbe en dessous. Le pilote, un Sud-américain, la taille moyenne, dans une combinaison kaki, un casque autour du cou, aide les passagers à descendre de l’appareil aux couleurs de l’armée.

 

 

« Nous sommes sur la position Arly, située à environ un kilomètre de la frontière avec le Burkina. Nous sommes quasiment sur la frontière ici. Vous avez la différence de végétation. Au-delà, c’est le Burkina », renseigne le Lieutenant-Colonel Abdou Raoufou Assouma, commandant du groupement tactique interarmes fuseau ouest.

 

 

Casque fixé sur la tête, gilet pare-balles sanglé sur le torse, arme en main, un soldat, le commandant du sous-groupement de la Pendjari, fait la visite de la position. Derrière un bâtiment, des hommes quadrillent la zone. L’un d’eux, le dos tourné vers le territoire béninois a le regard fixé sur la broussaille devant lui.

 

 

A quelques mètres de lui, un autre homme en uniforme en position de défense. Un peu plus loin, un troisième. « Nous avons des détachements militaires un peu partout pour quadriller notre zone », confie le Lieutenant-Colonel Abdou Raoufou Assouma, commandant du Groupement tactique interarmes du fuseau ouest.

 

Réponse à la nouvelle donne sécuritaire

 

Plus de trois mille soldats béninois sont ainsi déployés. Ces déploiements sont effectués dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Le Bénin connaît depuis le 1er mai 2019, jour de l’enlèvement de deux touristes français et de l’assassinat de leur guide béninois, un contexte sécuritaire nouveau : attaques de groupes armés contre l’armée ou les populations, poses d’engins explosifs improvisés.

 

Pour faire face à cette menace venant du Niger, du Burkina Faso et du Nigeria, le Bénin a lancé une opération militaire d’envergure. L’opération est dénommée ''Mirador''. « Dans la structure militaire, un mirador est une infrastructure sur laquelle il y a le militaire qui observe et qui participe à la veille opérationnelle. Mirador, c’est une opération qui a pour but de faire la veille opérationnelle, de protéger les populations et également d’empêcher toute infiltration ennemie sur notre territoire », explique le Colonel Faïzou Gomina, commandant de l’opération.

 

 

Dans le cadre de l’opération ''Mirador'', les milliers de soldats déployés sur le théâtre sont repartis suivant trois fuseaux nord, ouest et est. Ils quadrillent le territoire béninois. « La menace nous a surpris, il y a trois ans. Il fallait se réorganiser, déployer les troupes, projeter des forces pour quadriller le territoire. Aujourd’hui, c’est chose faite », confie le Lieutenant-Colonel Abdou Raoufou Assouma.

 

 

Sur le théâtre de l’opération, les militaires béninois occupent le terrain.  « C’est l’intérêt d’être encore ici, de toujours occuper. Si jamais, vous quittez, soyez sûrs que d’autres personnes vont l’occuper », justifie le Lieutenant-Colonel Abdou Raoufou Assouma.

 

 

Des actions multiples

 

 

Des opérations régulières sont menées par les troupes béninoises : patrouilles pédestres et aériennes, opérations de dépollution, renseignements. Les soldats béninois vont aussi à l’offensive en tendant des embuscades aux terroristes. « On ne peut pas réunir des hommes qui vont rester tout le temps sur leur position. Ils seront forcément surpris un jour que la menace soit à 100 mètres de leur position », explique le commandant du groupement tactique interarmes du fuseau ouest.

 

 

Dans sa stratégie de lutte contre le terrorisme, l’armée béninoise a occupé les points d’entrée sur le territoire béninois. Les Forces armées béninoises s’emploient également à réduire les moyens de mobilité des groupes armés.

 

 

A Banikoara, dans le département de l’Alibori, les autorités ont interdit le transport de marchandises au-delà du pont Mékrou en direction de la frontière entre le Bénin et le Burkina Faso. « Nous avons bloqué tout ce qu’il y a comme marchandises en direction du Burkina. Ce sont les terroristes qui règnent à la frontière. Pour empêcher leur ravitaillement, tout a été bloqué. Cela fait qu’ils ont des difficultés pour vivre là-bas », a expliqué le Lieutenant-Colonel Alexis Adinsi, commandant du Groupement tactique interarmes du fuseau nord.

 

 

La décision de l’interdiction de passage de marchandises au-delà du pont Mekrou en direction du Burkina Faso était nécessaire, à en croire le Lieutenant-Colonel Alexis Adinsi. « On a constaté qu’il y a du carburant qui passe ici pour les ravitailler. (Quand, ndlr) ils ont du carburant dans leurs motos, ils viennent pour nous harceler », explique l’officier de l’armée béninoise.

 

 

Cette mesure n’a-t-elle pas un impact sur les activités des opérateurs économiques, des populations civiles ? « Aucun impact. Il n’y a pas d’opérateurs économiques qui ravitaillent les terroristes », est catégorique le commandant du GTIA Fuseau nord.

 

 

« La menace est sous contrôle »

 

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Un soldat béninois en position dans le parc Pendjari

Les actions de l’armée contre le terrorisme portent visiblement des fruits. Le 29 mars 2023, lors d’un « accrochage » à Goun-Goun, les soldats béninois ont neutralisé sept individus qui appartiendraient au groupe terroriste Ansaru. Les individus neutralisés tentaient de traverser le parc depuis le Nigeria vers le Burkina Faso. L’armée béninoise a saisi du matériel militaire, des armes individuelles et semi-collectives. Des moyens roulants ont été saisis.

 

 

Kourou-Koualou, localité disputée par le Bénin et le Burkina Faso, est l’expression de la volonté des autorités béninoises de réduire à néant les groupes armés. Cette localité, pendant un temps, était une zone aux mains des groupes armés terroristes qui  y régnaient en maitre. « Koualou, c’était bon. Mais depuis 2 ans, il n’y a pas la paix à cause des gens de brousse (les groupes armés, ndlr). Ils nous gênent trop », a confié une autorité locale. La menace terroriste dans cette localité a causé le déplacement de certains habitants et la fermeture d’écoles. Elle perturbe également les activités des populations.

 

 

Depuis le 19 février 2023, les forces armées béninoises ont conquis cette localité et la contrôle. Grâce aux actions des forces armées béninoises, la population de Kourou-Koualou se libère de l’anxiété et de la peur. « Avant, il y avait l’insécurité. Mais à l’heure où nous parlons, ça va un peu mieux. Ce n’est plus comme au début. On n’a plus la même peur qui nous animait au début des attaques. Aujourd’hui, c’est bon », a confié un habitant. L’homme apprend que sans la présence des militaires, il nous aurait été quasiment impossible de mettre pied à Koualou.

 

 

L’armée béninoise a également conquis et contrôle la zone de Daloga depuis plusieurs mois. Ligne frontalière entre le Bénin et le Togo, la zone de Daloga constituait autrefois des couloirs de passage et d’infiltration des groupes armés terroristes sur le territoire béninois pour attaquer des positions de l’armée ou commettre des exactions au sein de la population.

 

 

Si elle porte des fruits, la présence des forces armées béninoises sur le front de la lutte contre le terrorisme n’a pas encore permis de réduire à néant la menace. Des tentatives d’incursions de groupes armés continuent d’être enregistrées. Ces tentatives d’incursion, à en croire le Colonel Faïzou Gomina, ne sont pas de nature à remettre en cause la sécurité sur le territoire béninois.  « Je peux vous dire que la menace est sous contrôle », assure le commandant théâtre de l’opération Mirador.

 

 

Dans cette guerre asymétrique contre un ennemi au visage inconnu, les Forces armées béninoises n’entendent rien concéder à l’adversaire. « Quelle que soit la taille ou la grosseur de l’adversaire, les Forces armées béninoises ne sauront déroger à leur mission constitutionnelle : préserver en tout temps, en toutes circonstances et contre toute forme d’agression, l’intégrité et la sécurité du territoire national ainsi que la vie des populations », a écrit le Général de brigade Fructueux Gbaguidi dans un éditorial.

 

 

Le patron des Forces armées béninoises assure, dans une interview au magazine Mirador, qu’aucun pan du territoire béninois n’est aux mains de l’ennemi comme c’est le cas dans d’autres pays de la sous-région. « Aucun centimètre carré du Bénin n’est contrôlé par une force ennemie. Notre pays est contrôlé à 100% par les Forces armées béninoises ». Et le dernier mot dans cette guerre, est-il convaincu, appartiendra aux Forces armées béninoises.

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