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''Pratiques frauduleuses'' dans les marchés publics : une entreprise de BTP et son promoteur sanctionnés par l’ARMP

''Pratiques frauduleuses'' dans les marchés publics : une entreprise de BTP et son promoteur sanctionnés par l’ARMP

Au Bénin, l'Autorité de régulation des marchés publics (ARMP) a prononcé l'exclusion de la commande publique d'une entreprise et son promoteur. Ils ont été reconnus coupables de "pratiques frauduleuses" commises lors de l'exécution de deux marchés.

Au Bénin, l'Autorité de régulation des marchés publics (ARMP) a prononcé l'exclusion de la commande publique d'une entreprise et son promoteur. Ils ont été reconnus coupables de "pratiques frauduleuses" commises lors de l'exécution de deux marchés.

Séraphin Agbahoungbata, président de l'Autorité de régulation des marchés publics du Bénin

Séraphin Agbahoungbata, président de l'Autorité de régulation des marchés publics du Bénin

Une entreprise de BTP et de Transports et son promoteur sanctionnés. Ils ont été reconnus coupables de pratiques frauduleuses. Ces pratiques frauduleuses ont été commises lors de l'exécution du marché relatif à la construction de la clôture de l'intendance du COUS de Lokossa et celui relatif à la construction d'un dortoir des filles au Lycée technique de Ouidah. Selon la décision rendue par l'Autorité de régulation des marchés publics (ARMP), l'instruction d'un dossier a été faite suite à une lettre de la Personne responsable des marchés publics (PRMP) de l'Agence pour la construction des infrastructures du secteur de l'éducation (ACISE).

 

Dans sa lettre du 8 juin 2023, la PRMP de l’ACISE a indiqué que la société de BTP et transports qui a gagné du marché relatif à la construction de la clôture de l'intendance du COUS à Lokossa "serait auteur de fausses déclarations" à l'agence d'une banque de la place. Selon le récit des faits, la société a obtenu de la banque en question un concours financier dans le cadre de l’exécution du marché sur la base de « fausses déclarations ».

 

La société a fait croire à la banque qu'il y a eu "de visite de site avec en pièce jointe le procès-verbal de visite de chantier signé par le chef chantier, le Bureau d'études ». Cela, apprend la PRMP de l’ACISE, alors que depuis la remise de site, le 26 juillet 2021, aucun ordre de service de démarrer les travaux n'a été délivré à la société et le Bureau d'études n'a jamais été mobilisé par l'ACISE pour la surveillance et le contrôle des travaux, objet du marché en cause.

 

L’entreprise de BTP et transports, accuse la PRMP de l’ACISE, « serait coupable de faux et usage de faux dans le cadre de l'exécution du marché relatif à la construction d'un dortoir des filles au Lycée technique de Ouidah ». 

 

Sur la base de ces informations, l'ARMP s'est auto-saisie conformément aux dispositions du code des marchés publics, pour investiguer sur l'exactitude desdits faits et situer les responsabilités des acteurs aux fins. Cette auto-saisine porte sur les pratiques frauduleuses commises par la société à l'occasion de l'exécution de marchés publics et la sanction de l'établissement et de son Promoteur.

 

Dans le cadre de l’instruction du dossier, le chef de l'Agence de la banque, les responsables du cabinet du Bureau d'études et le promoteur de l'établissement, impliqués dans le marché en cause ont été invités le mardi 05 mars 2024 à l'ARMP pour prendre part à une séance d'audition. Cette audition visait, au regard des présomptions d'irrégularités relevées, à permettre aux acteurs concernés, d'exercer leur droit de défense en application du principe du contradictoire à prononcer d'éventuelles sanctions au besoin.

 

 

 

Des arguments de la PRMP

 

A l'audition du mardi 05 mars 2024, la PRMP de l'ACISE, au moment des faits, a été représentée par le Secrétaire de la PRMP. Celui-ci a confirmé "tous les faits de faux et usage de faux'' relatés par la lettre envoyée à l'ARMP à l'encontre de la société. Il a relevé que l'ARMP a été saisie pour les deux types d'infraction par correspondance en date 08 juin 2023. « Il est important de mentionner qu'au constat du 1er faux et usage de faux un constat d'huissier est fait et le BAl a été informé en vue de saisir l'ARMP lorsque la deuxième infraction a été constatée, d'où les deux faux et usage de faux sont mentionnés dans la même correspondance », précise-t-il.

 

Il soutient que le faux a été fait bien après l'approbation des deux marchés qui ont été approuvés presque au même moment (dans la même période). Il explique que l'ACISE devrait lancer le démarrage des travaux par la délivrance de l'ordre de service. La délivrance de l'ordre de service a été retardée pour la mise en œuvre de la recommandation du BAI (Bureau d'Analyse et d'Investigation) relativement à la mobilisation d'un bureau de contrôle pour la surveillance et le contrôle des travaux.

 

Il apprend que le bureau d'études a été recruté, dans le cadre du marché en cause, par procédure d'entente directe sauf que les négociations n'ont pas abouti à la signature d'un contrat. Il informe que l'ordre de service de démarrer les travaux n'a pas été délivré à la société de BTP et transports en raison de l'absence de bureau de contrôle pour la surveillance et le contrôle des travaux. De même, le bureau d'études n'a pas été mobilisé parce qu'il n'a pas accepté le taux d'honoraire proposé.

 

Le Secrétaire de la PRMP confie que le marché relatif à la construction de la clôture de l'intendance du COUS à Lokossa n'a pas été exécuté. « Le taux d'exécution est à 00% d'exécution physique », a-t-il fait savoir. Il dit aussi que l'ACISE n'a pas fait de rétention des informations. Car, « par le 1er incident de faux et usage de faux, I'ACISE a fait un constat d'huissier et informer le BAI ».

 

Mais, « la non disponibilité des informations, suite à la saisine des matériels des informations ensuite des matériels et autres équipements de la PRMP d'alors n'a pas permis à l'actuelle équipe (PRMP) de disposer des informations à temps pour les dispositions à prendre ». Et, « c'est à l'avènement du 2ème faux et usage de faux que l'équipe actuelle de la PRMP a été informée et a saisi l'ARMP pour faux et usage de faux sur les deux contrats ».

 

Des explications de la banque

 

Lors de l'audition du mardi 05 mars 2024, le responsable de l'Agence de la banque a confirmé les informations contenues dans la lettre du 08 juin 2023. Il expose que courant janvier 2021, le client (la société de BTP et de Transports) a approché son agence avec deux contrats de marché dont un signé par la mairie de Klouékanmey et l'autre par l'ACISE afin que la banque l'accompagne dans l'exécution des deux marchés. Dans le cadre de la confirmation du contrat de l'ACISE, il a rencontré la PRMP qui lui a confirmé le marché, mais lui avait dit qu'il y a des préalables qui sont en cours avant le démarrage des travaux, donc de bien vouloir attendre la remise de site avant toute chose.

 

C'est ainsi que courant août 2021, le client (la société) est revenu avec le procès-verbal de remise de site signé. Après la signature de la domiciliation, il a fait un premier déblocage. Le second déblocage a été fait fin novembre sur présentation d'un procès-verbal de visite de chantier mentionnant que le client a atteint un taux d'exécution de 60% confirmé par le chef de mission de contrôle au téléphone. Il indique que suite à ses divers déplacements vers l'ACISE sans suite claire, il a envoyé ce courrier à I'ACISE afin d'avoir une réponse au sort du marché. Pour finir, il reconnaît n'avoir pas saisi officiellement le bureau d'études, mais dit avoir appelé le numéro de téléphone sur le procès-verbal de visite de chantier et ce dernier lui a confirmé le taux d'exécution. 

 

Les aveux du promoteur de la société de BTP

 

A l'audition, le promoteur de la société de BTP a reconnu les faits de faux et usage de faux soulevés par la lettre du 08 juin 2023. Il justifie le fait d'avoir fait recours à ces pratiques par le fait qu'il se retrouvait sous pression de ses partenaires financiers à qui ACISE "a bel et bien signé la domiciliation". Il déclare qu'une fois le crédit obtenu, l'ACISE le bloquait dans l'exécution afin d'honorer ses engagements.

 

Il reconnaît aussi que le procès-verbal de visite de chantier supposé signé par le Bureau d'études alors même que les travaux n'ont pas démarré est faux. Il explique que ce procès-verbal a été établi pour calmer ses partenaires financiers en attendant que l'ACISE l'autorise à démarrer les travaux. Le promoteur a confirmé que sa société "avait été coupable de faux et usage de faux dans le cadre de l'exécution du marché relatif à la construction d'un dortoir des filles au Lycée technique de Ouidah. « Disons que l'ACISE me met toujours face à cette situation et devant le fait accompli et je choisis toujours le mauvais côté pour calmer mes partenaires financiers », s’est-il défendu.

 

Il a indiqué que sa société a obtenu un concours financier à hauteur de 32 000 000 F auprès de la banque pour l'exécution du marché relatif à la construction de la clôture de l’intendance du COUS de Lokossa. Il confie n’avoir pas fourni les informations à la PRMP parce qu'il a "vu clairement l'intention de cette structure" à ne pas lui "permettre d'exécuter les marchés avec elle". Il a enfin sollicité l'indulgence de l'ARMP. 

 

 

Du verdict de l'Autorité 

 

L'ARMP a donc constaté au cours de l'instruction, des faits et moyens des parties, les aveux du promoteur de l'établissement de BTP quant à la production de faux procès-verbaux attestant de l'exécution de chacun des deux marchés à hauteur respectivement de 65% et 60% alors qu'en réalité, aucune des deux constructions n'a démarré.

Dans sa décision, l'ARMP dit que les pratiques frauduleuses commises par l'établissement de BTP l'occasion de l'exécution du marché relatif à la construction de la clôture de l'intendance du COUS à Lokossa et celui relatif à la construction d'un dortoir des filles au Lycée technique de Ouidah, sont établies. Elle prononce dont l'exclusion de cet établissement de la commande publique pour une durée de deux ans à compter du 15 mars 2024.

 

Le promoteur de l'établissement est exclu de la commande publique pour cinq ans à compter aussi du 15 mars 2024. Pendant cette période de suspension, l'intéressé "ne peut exercer aucune fonction dans la chaîne de la commande publique au sein de l'administration publique ou dans les projets sur financement extérieur au Bénin, ni postuler à des marchés publics à titre de consultant individuel ou personnel d'un cabinet". L'ARMP invite le Directeur général de l'ACISE à saisir la juridiction compétente aux fins.

 

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