Les sages de la Cour constitutionnelle (Image d'illustration)
La Cour constitutionnelle du Bénin a examiné ce vendredi 12 décembre 2025, 22 dossiers relatifs à la nouvelle loi portant révision de la constitution adoptée par l'Assemblée nationale en sa séance du 14 novembre 2025.
La Haute juridiction était saisie, d’une part, par le président de la République Patrice Talon, qui, par lettre datée du 1er décembre 2025, a soumis la loi de révision au contrôle de constitutionnalité sur le fondement des articles 117 et 121 de la Constitution. D’autre part, seize requêtes émanant de députés du groupe parlementaire ''Les Démocrates" (LD) ont été enregistrées entre le 18 novembre et le 2 décembre 2025. Cinq autres recours ont été introduits par des citoyens dans la période du 23 au 28 novembre 2025.
Les députés Les Démocrates ont contesté la régularité de la procédure d’adoption de la loi de révision lors de la séance plénière du 14 novembre 2025. Sur le fond, les députés Les Démocrates ont soutenu que la proposition de révision n’aurait pas respecté les différentes étapes prévues par la Constitution et le Règlement intérieur de l’Assemblée nationale.Ils ont notamment cité la prise en considération à la majorité des trois quarts, suivie d’une discussion article par article avant l’adoption à la majorité des quatre cinquièmes.
Les députés du parti dirigé par ex-chef d’État Boni Yayi ont par ailleurs dénoncé « les coupures répétées d’électricité avant le dépouillement », « l’impossibilité pour les députés d’observer le matériel de vote » ainsi que des « incohérences dans le décompte des voix ». Selon eux, ces éléments auraient conduit à une modification du nombre de suffrages attribués à leur groupe parlementaire et entaché la sincérité du vote.
Ils ont également fait valoir que l’institution d’un mandat de sept ans renouvelable pour le président de la République et le vice-président, ainsi que celle d’un mandat de sept ans renouvelable sans limitation pour les députés et élus communaux, modifiait substantiellement le cadre électoral existant.
Les requérants ont, en outre, invoqué une violation de l’article 2.1 du Protocole additionnel de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance, estimant que la révision introduisait des changements substantiels sans le consentement requis. Ils ont aussi critiqué la création d’un Sénat comme seconde chambre du Parlement, qu’ils considèrent comme génératrice de charges nouvelles pour le budget de l’État sans contrepartie financière, en méconnaissance de l’article 107 de la Constitution. À cela s’ajoutaient des griefs relatifs au mode de désignation des sénateurs, jugé contraire aux principes de souveraineté populaire, et à certaines dispositions confiant au Sénat des prérogatives de sanction à l’égard d’acteurs politiques.
Le président de l’Assemblée nationale se défend
En réponse, le président de l’Assemblée nationale, représenté par le chef de la cellule juridique, a réfuté l’ensemble de ces allégations. Il a rappelé que « la procédure de modification de la Constitution est régie par deux phases : la phase de la prise en considération et celle de l’adoption proprement dite ».
Il a défendu que le pouvoir constituant détenu par l’Assemblée nationale est souverain, conformément à la jurisprudence constante de la Cour. Il a également soutenu que le vote en bloc du texte ne violait ni la Constitution ni le Règlement intérieur, la loi adoptée ne comportant que deux articles.
S’agissant des coupures d’électricité, la défense de l’Assemblée nationale a indiqué que des groupes électrogènes de secours avaient permis d’assurer la continuité des travaux, précisant que les requérants n’apportaient « ni la preuve d’une quelconque négligence, ni d’une défaillance » de nature à altérer la sincérité du scrutin. Le décompte final, corrigé publiquement en cas d’erreur matérielle, a donné « 90 voix pour, 19 contre et zéro abstention ».
La Cour constitutionnelle tranche
Dans sa décision, la Cour constitutionnelle s’est d’abord déclarée compétente pour connaître des recours. Elle a toutefois rappelé que sa compétence « ne s’étend pas au contrôle des choix opérés par le législateur dérivé ».
Sur la recevabilité, la Cour a jugé irrecevables les 5 recours introduits par les citoyens, estimant qu’ils n’avaient ni la qualité de président de la République ni celle de membre de l’Assemblée nationale, conformément à l’article 121 de la Constitution. En revanche, les saisines du président de la République et des députés Les Démocrates ont été déclarées recevables.
Examinant le grief tiré de la violation de l’article 2.1 du Protocole de la CEDEAO, la Cour a relevé que la loi de révision avait été adoptée « à la majorité des 4/5èmes des membres composant l’Assemblée nationale, soit 90 députés sur 109, émanant de tous les groupes parlementaires ». Elle en a conclu que la condition d’un large consentement était remplie.
Sur l’article 107 de la Constitution, la Cour a constaté que le gouvernement avait été représenté à toutes les étapes de l’examen de la loi et n’avait soulevé aucune objection quant à sa capacité à mobiliser les ressources financières induites. Elle a jugé qu’il n’y avait pas violation de cette disposition.
Concernant le vote en bloc, la Cour a estimé que « l’étude d’un texte par la plénière, article par article, est une modalité non exclusive ». Les 7 sages de la haute juridiction soutiennent que l’Assemblée nationale pouvait valablement opter pour un examen global du texte. Ils ont également rappelé que « les députés ont le droit d’amendement », y compris en matière constitutionnelle.
Enfin, se fondant sur les articles 154 et 155 de la Constitution, la Cour a relevé que les conditions de prise en considération et d’adoption de la révision avaient été respectées. Elle juge qu’aucune atteinte n’avait été portée aux limites intangibles prévues à l’article 156, « telles que l'atteinte à l'intégrité du territoire , la forme républicaine et la laïcité de l'Etat».
En conséquence, elle a déclaré conforme à la Constitution, en toutes ses dispositions, la loi n°2025-20 adoptée par l’Assemblée nationale le 14 novembre 2025.
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