Mario Mètonou, procureur spécial près de la CRIET
La menace terroriste est permanente au Bénin. Et la lutte contre le phénomène revêt une synergie d’actions entre la chaîne de répression. C’est le message qu’on peut retenir de l’intervention du procureur spécial près de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET) à l’occasion de la rentrée judiciaire de la juridiction spéciale qui s’est déroulée, vendredi 10 octobre 2025, au siège de la juridiction.
Selon Mario Mètonou, la CRIET a traité 816 dossiers liés aux infractions de terrorisme en six (6) ans d’exercice de la juridiction. Il apprend que de ces procédures, 770 personnes dont 31 femmes étaient détenues à la date du 30 septembre 2025. Le magistrat a reconnu l’importance de la création juridiction pour apporter une réponse judiciaire appropriée à l’infraction. Mais le parquetier estime que des défis sont encore relevés et des perspectives.
Les défis
Mario Mètonou a révélé trois défis majeurs émergent lorsqu’il s’agit de mener des investigations et de juger des infractions en lien avec le terrorisme. Le magistrat a soulevé le défi de la constatation des infractions en cas d’attaques terroristes. Il a fait remarquer que la plupart des attaques se déroulent dans des zones inaccessibles ou infestées par des engins explosifs improvisés (IED).
« Seule l’armée a accès aux scènes de crime. Or la vocation première de l’armée n’est pas d’accomplir des actes de police judiciaire, et les informations qu’elle collecte sont d’abord destinées à un usage militaire », a-t-il déploré.
Le patron du parquet spécial a évoqué ensuite le défi de la coordination entre les services tels le renseignement, l’armée, la police et la justice.
De son analyse, il a fait savoir que le renseignement et l’armée collectent et utilisent le renseignement pour leurs propres structures, pendant que la police et la justice auraient grand besoin d’accéder aux sources des deux premiers.
« La conséquence est que sur une même affaire les informations disponibles peuvent varier d’une structure à l’autre, ce qui est “du pain béni pour les criminels” », a-t-il fait remarquer.
Le troisième défi est lié à la coopération internationale. Pour Mario Mètonou, le terrorisme au Bénin est une infraction transnationale, avec « des katibas installées dans les pays voisins d’où les combattants viennent commettre des attaques ».
Selon le magistrat, il existe « un manque de souplesse dans les accords en matière de droit de poursuite, un facteur limitant l’efficacité des services béninois face aux menaces transfrontalières ».
« Les groupes terroristes exploitent cette limite », regrette le procureur spécial. Il a également soulevé comme point de faiblesse dans réponse régionale « la rupture du partage de renseignements entre les États de l’AES et ceux de la CEDEAO ».
Les perspectives
Les défis relevés ne doivent constituer un frein pour une lutte efficace contre le terrorisme au Bénin, a exhorté le procureur spécial. Il y a une lueur d’espoir.
« Le chemin est long, la nuit profonde mais il y a une lueur au bout du tunnel. Il y a un phare dans la nuit comme il y a un petit matin », a-t-il indiqué. Cet espoir dont fait allusion Mario Mètonou, c’est « l’intégration d’officiers de police judiciaire dans les unités de l’opération Mirador ».
C’est aussi, selon lui, « la confection de fiches de mise à disposition permettant aux militaires primo - intervenants sur les scènes de crime de collecter les éléments de preuves, de procéder à des interpellations et d’assurer la transmission aux OPJ dans les formes prévues par le code de procédure pénale ».
Le procureur spécial a souhaité la judiciarisation du renseignement et la prise d’un décret portant création d’un cadre de riposte judiciaire au terrorisme incluant service de renseignement, de l’armée, de la police et de la justice.
Il a suggéré l’institutionnalisation de ce cadre. Ce qui sera la clé pour une bonne coordination au plan national. En ce qui concerne la sous région, Mario Mètonou souhaite la restauration de la coopération malgré les divergences politiques
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