Sam du Barça à Cotonou comedy Festival (Photo officielle de l'organisation)
Lauréat du concours de stand-up 2024 au Bénin, Sam du Barça est bien connu du public. Sur les réseaux sociaux, l’humoriste basé à Parakou, principale ville du Nord se distingue par ses vidéos comiques dans lesquelles il tourne en dérision les faits de société, et dénonce parfois. Sam du Barça est l’un des jeunes talents locaux sélectionnés pour prester à la première édition de Cotonou Comedy festival, un grand rendez-vous initié par le gouvernement. Quelques heures avant qu’il ne monte sur scène, le 4 décembre 2025, il s’est entretenu avec Banouto sur ses débuts et ses ambitions. Il nous offre également un diagnostic de l’humour béninois.
Pourquoi Sam Du Barça comme nom d’artiste ?
Sam du Barça parce que je suis un très grand fan du Barça et fan de football. J’ai pris ce nom à mes débuts et depuis, je le garde.
D’où est venue cette passion pour l’humour ?
Ma passion est venue de ce besoin de faire rire. À l’école, j’étais un peu le comique. Mais, je n’avais jamais pensé à faire carrière jusqu'en 2019 où à la suite de l'absence d'un artiste lors d'un spectacle d'école, j'ai été sur scène pour essayer de me divertir un peu, en jouant à un sketch de l’humoriste ivoirien, Boukary. C'est là que je me suis dit : ‘’il y a quelque chose là, il faut que j'essaie de me creuser plus’’. C'est là qu'est née vraiment mon envie de faire carrière dans l’humour.
Sur les réseaux sociaux, vous tournez en dérision les faits de société. Votre concept s’appelle Grut, un peu proche du média français Brut. Pourquoi Grut ?
Il faut dire qu'aujourd'hui, en tant qu'humoriste, ne pas être connu sur les réseaux sociaux, c'est un peu un frein. Depuis 2019, j'ai essayé de faire des vidéos. J'ai essayé beaucoup de concepts. Et j'ai vu qu'il n'y a que l'absurde qui me va bien, parce que c'est un style d'humour que j'adore beaucoup. Je suis passionné de documentaire. J'ai eu l'idée de faire des documentaires absurdes, et c'est comme ça que j'ai connu beaucoup de documentaires, j'ai connu Brut. J'ai dit : ‘’ah, je fais une version béninoise’’. Ce n’est même pas prémédité. C'est sorti juste sur un tournage : ‘’Salut Grut’’.
Pourquoi de l’ironie avec les faits réels de la société ?
Je me dis, l'humour, c'est un bon moyen de dénoncer. J'utilise beaucoup la satire. À travers mes vidéos, je n'ai pas envie d'être simplement drôle. J'ai envie que derrière le rire que je transmets, qu'il y ait un message. Généralement, j'y arrive. À la fin de la vidéo, les gens se disent : ‘’il nous a fait rire, mais il nous a dit une vérité’’. Il y avait ce besoin-là parce que dans un monde où on ne peut pas tout dire, l'humour est un véritable filtre pour casser un peu l'attention et pouvoir parler. Donc j'utilise des choses sans choquer et faire rire. Même quand quelque chose est choquant, quand c'est dit avec un filtre d'humour, ça passe. Et j'essaie d'abuser de ce filtre-là.
Quelle est votre vidéo dont vous êtes le plus fier à la date d'aujourd'hui?
Ma vidéo dont je suis le plus fier n'est pas celle qui a fait le plus de vues. Mais pour ceux qui me suivent, c'est une vidéo Grut sur le monde, j'ai parlé des stages, où je dénonçais un peu les abus dans le milieu des entreprises. En termes d'écriture, c'est mon meilleur Grut jusque-là parce que ça dénonçait exactement ce qui se passe. La surexploitation des stagiaires et autres. J'aime beaucoup cette vidéo.
Une vidéo qui a fait le boom, c’est celle sur les préservatifs en pagne. Publiée le 25 octobre, elle est déjà à plus de 660 000 vues, 2000 commentaires et 1 400 partages. Qu'est-ce qui vous a inspiré ce sujet ?
Comme je l'ai dit, mon inspiration, c'est l'absurde. J'aime passer dans l'absurde. Et ce qui m'a inspiré le sujet. Octobre, c'est le mois du Consommons local. Moi, j'ai toujours voulu dire des choses sur le consommons local parce que le gouvernement fait beaucoup d’efforts pour la promotion des produits locaux. Mais on se rend compte que quand on va sur les foires, il y a deux problèmes qui se posent. Soit, vous avez un produit dont le seul argument est qu'il est local et qu'il n'a vraiment pas d'utilité. Il n'y a pas le besoin, mais le produit est là. Le seul argument, c'est que c'est local, donc vous devez consommer. Soit quand le produit a une bonne utilité, ça coûte plus cher que les produits importés. Je trouve que c'est un peu bizarre. C’est ce que j'avais voulu souligner.
En soi, qui a besoin d'un préservatif en pagne ? C'est complètement absurde. Derrière le préservatif en pagne, ce que j'essaie de vendre, c'est le pagne. Le pagne est béninois et derrière, je mets un prix exorbitant juste parce que c'est béninois. À travers ce tableau-là, j'essaie de dénoncer un peu ce qui se passe avec les produits locaux.
Avez-vous quelque chose à nous dire sur Ladji, votre père dans les vidéos Grut ?
Sur Grut, je pratique un humour un peu incisif, un humour que tout le monde n'aime pas, l'absurde, donc mon besoin avec Grut c'est que toutes les couches de la société, toutes les couches de personnes trouvent leur plaisir dans Grut. Si vous avez remarqué, moi, je fais mon humour un peu intellectuel, comme on le dit. J'écris, je fais mes punchs, mais derrière, je mets Ladji Jérôme pour ce qu'on appelle l'humour populaire. Quand tu regardes une vidéo Grut, il y a plusieurs formes d'humour. Si Sam ne t'a pas capté, Ladji Jérôme tout au moins, il va te capter. Soit, tu prends plaisir tout au long de la vidéo.
Qu'est-ce que ça veut dire de participer à la première édition de Cotonou Comedy Festival, un grand festival créé par le gouvernement pour célébrer le pouvoir de l'humour, rapprocher les gens et tisser des liens ?
C'est une immense joie. C'est un privilège. Je sais que beaucoup d'humoristes auraient aimé être là. Il y a des humoristes d'une qualité exceptionnelle au Bénin et parmi ceux-là, on m'a choisi. Je suis très content. Je vis un rêve d'enfant.
La vision du gouvernement est la professionnalisation de l'humour béninois. Qu'est-ce qui manque à l'humour béninois pour décoller ?
C'est la reconnaissance de nos droits. Il faut vraiment une loi pour nous, qu'on puisse se déclarer en tant qu'humoriste, qu'on puisse protéger nos œuvres, qu'on ait vraiment une ligne, et qu'on ait également de petites aides. S'intéresser à l'humour en général, c'est bien, mais il faut s'intéresser un peu plus à la condition de l'humoriste lui-même. Je crois que si les humoristes sont protégés, ont une bonne situation, le secteur ne peut que prendre.
Est-ce que l'humour nourrit son homme ?
Depuis deux ans, j'arrive à vivre de l'humour. Ce n'est pas ma vie de rêve, mais l'humour me nourrit, et les perspectives sont bonnes.
Où est-ce que vous vous voyez dans 5 ans ou dans 10 ans ?
Je me vois comme déjà faisant partie de la crème de l'humour au Bénin et en Afrique, et pourquoi pas à l'international. À titre personnel, que je sois un artiste de qualité, un artiste sur qui on peut compter sur scène. J'aimerais évoluer. J'aimerais être un meilleur artiste qu’aujourd'hui.
Au niveau des projets, j'aimerais d'ici 10 ans pouvoir rendre le nord du Bénin comme une plateforme tournante de l'humour en Afrique et pourquoi pas dans le monde. J'ai un peu l'ambition d'avoir aussi un festival là-bas, d'avoir des comédies clubs, de créer beaucoup d'humoristes là-bas, de faire vivre aussi ce rêve de l'humour là-bas et que le rêve ne se limite pas qu'à côté de nous. Ça a déjà bien commencé avec moi sur ce festival. Que la fièvre de l'humour prenne tout le continent. Mon rêve, c'est que d'ici 10 ans, qu'il y ait des humoristes qui puissent dire, je peux rester au Bénin et vivre de l'humour et bien vivre de l'humour. Mon rêve, c'est que d'ici 10 ans, les humoristes béninois soient reconnus à l'international. Que nous soyons vraiment une denrée recherchée.
Quel est votre regard sur la formation des humoristes ?
La formation des humoristes est très importante. Elle est très importante parce qu'un humoriste formé est un humoriste de qualité. On sait que pour aller à l'international, il en faut de la qualité et c'est en train d'être fait par le biais des formations et quand les humoristes béninois sortent, on dit qu'ils ont de l'écriture. Il faut qu'on multiplie ces efforts dans tout l'écosystème parce qu'il n'y a pas que l'humoriste, il y a son équipe. Il y a les lumières. Il y a tout le monde du spectacle autour qu'il faut former pour que l'industrie soit viable.
Quels sont ces humoristes qui vous inspirent au Bénin ?
Au Bénin, les humoristes qui m'inspirent, il y a déjà les aînés d'avant, Pipi Wobaho et autres. Ceux avec qui nous sommes actuellement, qui ne sont pas nos camarades, mais nos aînés, Kromozom, Elifaz, Pacheco et tout ce beau monde. Moi, j'ai souvent du mal à dire, je préfère tel humoriste parce que j'essaie d'apprendre de chacun.
Par exemple de Pacheco, j'ai appris de lui, ce que c'est vraiment d'être professionnel, de prendre l’humour comme un boulot sérieux. De Kromozom, j'ai plus appris comment se tenir sur scène. Chez Elifaz, j'ai appris l'organisation, comment construire.
Votre mot de fin ?
À mes fans, je dirais merci. Merci de continuer de nous soutenir et merci d'être derrière nous. Les meilleurs Grut restent à venir.
0 commentaire
0 commentaire