Place de l'Etoile rouge à Cotonou, vue aérienne
Réactions des Béninois au dernier discours du président de la République sur l’état de la nation. Dans l’après-midi du mardi 23 décembre 2025, quelques citoyens rencontrés dans les villes de Cotonou et d’Abomey-Calavi ont donné leur avis sur le discours sur l’état de la nation. Loin de faire consensus, ils font des lectures contrastées de ce discours du chef de l'état au Parlement.
Rencontrée dans les environs de l’hôpital de zone Abomey-Calavi / Sô-Ava, Prisca, nutritionniste, n’a pas pu suivre en direct le discours sur l’état de la nation. Tenant à réagir par rapport à l’allocution du chef de l’État, elle prend alors son téléphone et suit la vidéo du discours sur la chaîne YouTube de la présidence. Sur son visage, on lit une alternance de sourires discrets et de traits assombris.
« Ce dernier discours de Patrice Talon restera pour moi son meilleur discours », lance-t-elle à l’issue de la séance de visionnage. Elle y voit un président touché sur le plan émotionnél, loin de l’image du dirigeant rigide.
Elle dit n’avoir pas pu résister à l’émotion transmise par le chef de l’État à travers ce discours. « Ce moment d’au revoir n’est ni faiblesse ni nostalgie. Il traduit une conception élevée du pouvoir, où la transmission prime sur la confiscation », analyse-t-elle.
« Son insistance sur la confiance, sur “l’âme du Bénin”, révèle une vision, celle d’une nation désormais suffisamment structurée pour avancer sans homme providentiel », ajoute-t-elle.
Tout comme Prisca, Pater, journaliste dans une télévision privée, se montre « largement satisfait » du discours du chef de l’État. « Ce discours a comblé mes attentes », a indiqué le jeune homme.
Il perçoit dans la brièveté du discours une forme de confiance, celle d’un président dont les réalisations parlent d’elles-mêmes. Selon lui, le caractère bref et sobre du discours traduit « que le constat est là, les preuves sont palpables, les réalisations sont visibles, le travail colossal est fait et c'est au peuple béninois d'en juger ».
Il estime également que Patrice Talon a dessiné une trajectoire politique conforme à sa vision initiale et fait bien d’exhorter « celui qui va le succéder à faire mieux que lui ».
À la mairie d’Abomey-Calavi, un sexagénaire ayant requis l’anonymat livre toute une autre lecture du discours du chef de l’État. À ses yeux, l’image d’un Bénin « admiré et envié » dont parle le chef de l'Etat contraste avec les difficultés persistantes de nombreux ménages. Cherté de la vie, chômage des jeunes, frustrations sociales ou sentiment d’exclusion politique restent, selon lui, relégués au second plan. « Un bilan honnête, dit-il en substance, devrait aussi éclairer ce qui résiste et non seulement ce qui brille. »
Un sentiment d’inachevé que partage, en partie, Jérémie, rencontré à la Bibliothèque Bénin Excellence à Cotonou. Pour lui, le discours, bien que fidèle au style du président, ne marque pas suffisamment l’histoire. Le contexte, rappelle-t-il, était exceptionnel étant donné qu’il s'agit d’une dernière adresse à la représentation nationale.
« Je reste un peu sur ma soif, dans la mesure où ce discours, on l’attendait beaucoup plus mémorable que celui auquel nous avons eu droit », extériorise-t-il. Jérémie apprécie toutefois que le chef de l’État reconnaisse publiquement que tout n’a pas été rose. « Mais c'est déjà bien, c'est une marque de modestie déjà qu'il reconnaisse de lui-même publiquement qu'il n'a pas tout réussi d'une baguette magique pendant les dix années », a-t-il relativisé. Une modestie qu’il salue, tout en regrettant l’absence de précisions sur les échecs évoqués.
À Godomey, Keneth, journaliste et spécialiste en communication politique, s’attarde sur la dimension symbolique du message. Il relève la franchise affichée par le chef de l’État quant à son départ annoncé, tout en gardant une prudence.
« Le point le plus important que moi j'ai noté, c'est la franchise et la sincérité qu'il affiche pour montrer au peuple et à la face du monde qu'il est vraiment sortant et que ça va être son dernier message (sur l'état de la Nation, Ndlr). Après, en politique, tout peut encore se passer », a-t-il affirmé.
Il retient aussi que le Bénin se porte bien et que ses institutions tiennent, comme l’illustre l’échec de la tentative de déstabilisation du 7 décembre 2025.
Sur le fond, il exprime une déception liée à l’absence de bilan pour l’an 2025 et de grandes annonces pour 2026. « C'est à croire qu'en 2025, le Bénin n'a pratiquement rien fait », fait-il remarquer.
« Le Président n'a fait que rappeler les progrès du Bénin, comment il est désormais un pays développé dans la cour des grandes nations, les réformes politiques qui n'ont pas été faciles mais qui ont leur lot, j'allais dire, qui ont apporté leur lot à la construction de l'édifice. Mais en dehors de ça, il n'y a pas eu de grandes annonces pour 2026 », s’en désole-t-il.
Chez les étudiants aussi, le message a trouvé écho. À la Faculté de droit et de sciences politiques (FADESP), Herman, étudiant et citoyen se disant apolitique, reçoit le discours avec « intérêt, respect et retenue ». Il salue l’engagement et le courage politique du président, tout en appelant à relativiser la place d’un homme dans l’histoire nationale.
Si le jeune étudiant adhère à l’idée que diriger le Bénin doit relever du devoir et de la compétence, il s’interroge sur les comparaisons implicites avec le passé, qu’il juge peu propices à l’apaisement. Pour lui, l’avenir du pays se construira autant sur les réformes que sur la capacité à préserver la cohésion nationale.
0 commentaire
0 commentaire