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Fini l’aide et place au commerce ? Comment les Etats-Unis comptent coopérer avec l’Afrique désormais

Fini l’aide et place au commerce ? Comment les Etats-Unis comptent coopérer avec l’Afrique désormais

Les États-Unis changent de stratégie en Afrique sous l’administration Trump. Plutôt que l’aide traditionnelle, Washington compte privilégier désormais les échanges commerciaux et les investissements. Cette nouvelle approche vise à stimuler les exportations américaines vers l’Afrique, réduire les déficits commerciaux et promouvoir une prospérité économique partagée.

Les États-Unis changent de stratégie en Afrique sous l’administration Trump. Plutôt que l’aide traditionnelle, Washington compte privilégier désormais les échanges commerciaux et les investissements. Cette nouvelle approche vise à stimuler les exportations américaines vers l’Afrique, réduire les déficits commerciaux et promouvoir une prospérité économique partagée.

« Nous ne voyons plus l’Afrique comme un continent d’assistés, mais comme un partenaire commercial capable ». Ainsi s’exprimait mi-mai 2025 à Abidjan, en Côte d’Ivoire, l’ambassadeur Troy Fitrell, haut responsable du Bureau des Affaires africaines du Département d’État des États-Unis. Il dévoilait, dans son allocution au sommet des entreprises de la Chambre de commerce américaine, la nouvelle stratégie de diplomatie commerciale du Département d’État pour l’Afrique subsaharienne.

 

Sous la nouvelle administration Trump, les Etats-Unis changent d’approche dans leur coopération avec les pays du continent. Washington compte passer de l’aide classique, mise en avant à travers des agences et programmes comme l’USAID, le Millenium Challenge Account (MCA) ou encore l’action locale de ses ambassades, à une diplomatie économique centrée sur le commerce.

 

« Nous sommes convaincus que l'intensification des échanges et du commerce favorise le développement », affirme, dans un entretien exclusif à Banouto début juin, Will Stevens, Sous-secrétaire d’Etat adjoint américain pour l’Afrique de l’Ouest. « Ce que j'ai vu les entreprises américaines faire sur tout le continent, c'est qu'elles investissent dans leur personnel. Elles développent les talents et renforcent les capacités. Nous voulons donc voir plus d'entreprises américaines ici », a-t-il ajouté.

 

Le diplomate américain faisait à Banouto, le point de la tournée ouest-africaine qui l’a conduit, de fin mai à début juin, au Burkina Faso, au Niger et au Bénin. En dehors de questions sécuritaires, fait-il savoir, au menu des échanges avec les autorités des différents pays, mettre en lumière les changements apportés à la politique africaine des Etats-Unis par Donald Trump.

 

« Nous voulons être de véritables partenaires. Nous avons constaté qu'il y avait une composante inconfortable dans cette relation d'aide où les pays avaient ce sentiment que nous leur donnons de l'argent et nous attendons d’eux qu’ils fassent ou ne fassent pas telle ou telle autre chose. Les partenaires n’agissent pas ainsi. Si nous travaillons ensemble, cela doit être mutuellement bénéfique », argumente-t-il.

 

Dans son allocution à Abidjan, l’ambassadeur Troy Fitrell, haut responsable du Bureau des affaires africaines du Département d’État américain avance quelques données chiffrées qui amènent les Etats-Unis à percevoir l’Afrique plus comme une terre d’opportunités commerciales qu’un continent en quête d’assistance.

 

Il souligne « le potentiel commercial extraordinaire » de l’Afrique. « C’est le plus grand marché inexploité du monde et, d’ici 2050, il abritera un quart de la population mondiale – 2,5 milliards de personnes, dont il est prévu que le pouvoir d’achat dépassera les 16 000 milliards de dollars. De quoi rivaliser avec les économies de nos trois plus grands partenaires commerciaux, à savoir le Canada, la Chine et le Mexique », soutient le diplomate.

 

« Les exportations américaines vers l’Afrique subsaharienne représentent moins d’un pour cent de notre commerce total de biens – un chiffre qui est resté pratiquement inchangé depuis plus d’une vingtaine d’années », fait-il savoir.

 

L’ambassadeur Troy Fitrell estime que l’Afrique devrait compter parmi les plus grands partenaires commerciaux des Etats-Unis, mais regrette que ce ne soit pas le cas. « Pendant trop longtemps, nous avons privilégié l’aide au développement au lieu de promouvoir l’engagement commercial des États-Unis en Afrique. À l’avenir, nous continuerons d’investir dans le développement – mais nous le ferons par le biais de l’élargissement du commerce et des investissements privés, car c’est le secteur privé – et non l’aide – qui stimule la croissance économique », annonce-t-il.

 

Entre commerce et pragmatisme mais…

 

L’objectif de l’administration Trump, à travers la nouvelle approche de coopération, est d’accroître les exportations et les investissements américains en Afrique, éliminer les déficits commerciaux des USA sur le continent et favoriser la prospérité mutuelle.

Pour y parvenir, Washington compte se baser sur une stratégie à six volets, exposés par l’ambassadeur Fitrell. Elle se résume comme suit :

 

1-faire de la diplomatie commerciale un axe central de l’engagement américain en Afrique

 

2-travailler avec les partenaires gouvernementaux africains dans les pays prioritaires en vue de mettre en œuvre les cinq principales réformes du marché identifiées par le secteur privé

 

3-mettre en œuvre des projets d’infrastructure clés dans les pays prioritaires

 

4-accroitre le nombre de missions de diplomatie commerciale par les responsables du département d’État

 

5-connecter au continent africain une plus grande part des quelque 300 000 entreprises américaines prêtes à l’exportation ainsi que le marché américain des capitaux, qui représente 120 000 milliards de dollars

 

6-plaider en faveur de réformes structurelles en matière de promotion commerciale américaine, de préparation des projets et d’outils de financement de façon à mieux soutenir les entreprises américaines

 

La stratégie semble s’inscrire dans une nouvelle façon de voir et de faire des Etats-Unis en Afrique. « Nous devons être pragmatiques. Le président Trump a indiqué que nous n'avons pas vocation à donner des leçons. La diplomatie de la carte de pointage, où nous vérifions, mesurons et évaluons les pays, n'est pas quelque chose que nous allons faire », renseigne Will Stevens, Sous-secrétaire d’Etat adjoint américain pour l’Afrique de l’Ouest dans son entretien à Banouto.

 

« C'est aux peuples des pays de décider comment ils veulent être gouvernés », a-t-il répondu, losrqu’interrogé sur comment les Etats-Unis comptaient concilier leur soutien à la souveraineté et à la stabilité avec leur engagement en faveur des principes démocratiques dans la coopération avec les régimes transitoires militaires du Sahel ouest-africain (Burkina Faso, Mali et Niger).

 

…dans un contexte d’incertitude et de concurrence

                                                                                                               

Le nouveau discours des dirigeants américains sur leur politique africaine intervient dans un double contexte de préoccupations pour le continent.

 

Plusieurs pays africains, non épargnés par les tarifs douaniers de Donald Trump retiennent leur souffle alors que l’AGOA, un programmes de préférences commerciales américaines en faveur de certains pays d’Afrique subsaharienne, arrive à expiration cette année 2025. L’administration Trump, plutôt protectionniste, va-t-elle œuvrer pour le renouvellement de l’AGOA par le Congrès ?

 

Pour répondre à cette question, le Sous-secrétaire d’Etat adjoint Will Stevens met comme la balle dans le camp du Congrès. « L'AGOA est une loi, et le président n'a pas la possibilité de la renouveler. Il s'agit d'un acte législatif du Sénat et de la Chambre des représentants. C'est à eux de décider et le président aurait alors la possibilité de la signer », répond-il. Et ce, après avoir admis l’efficacité de l’AGOA comme un « outil très puissant qui permet à certains pays d'accroître leurs échanges commerciaux avec les États-Unis.»

 

En cas de non renouvellement de l’AGOA, ou en plus de l’AGOA, informe-t-il, l’administration Trump espère actionner d’autres mécanismes pour faciliter l’effectivité de cette diplomatie économique avec l’Afrique.

 

Will Stevens énumère, entre autres, le U.S International Development Finance Corporation (DFC) qui est l'institution américaine de financement du développement, la banque d'export-import des Etats-Unis, le Département du commerce et l'Agence américaine pour le commerce et le développement. Le Millenium Challenge Corporation (MCC) pourrait connaitre des réformes pour être plus axé sur les entreprises et les opportunités commerciales.

 

Cette posture américaine,  s’appuyant sur le commerce, est annoncée alors que, de plus en plus en plus, une partie de l’opinion publique, notamment en Afrique de l’Ouest, réclame moins de directives politiques et davantage de perspectives économiques concrètes dans les relations Afrique-Occident.

 

Reste à savoir si la stratégie de l’administration Trump saura convaincre les investisseurs américains, répondre aux attentes africaines d’un partenariat équitable et comment Washington naviguera l’influence commerciale asiatique, notamment chinoise en Afrique Subsaharienne.  

 

La Chine, justement, vient d’annoncer, le 12 juin, son intention de supprimer les droits de douanes sur les produits de 53 pays africains, avec pour objectif de stimuler les exportations et réduire une balance commerciale très en défaveur du continent.

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